Washington s'apprête à déclarer que Bagdad viole la résolution 1441. Des dizaines d'entreprises étrangères auraient alimenté le programme nucléaire irakien. Les inspections en armement entament leur quatrième semaine. L'Administration Bush devrait rendre ce jeudi son avis sur le rapport remis par Bagdad aux Nations Unies, le même jour où Hans Blix, le chef des inspecteurs en désarmement en Irak, devrait commenter ce même rapport au Conseil de Sécurité, indiquent des sources concordantes à new York. Ces sources sont d'accord pour conclure que la réaction américaine ne servira pas à déclarer la guerre à Bagdad, mais à faire pression sur le Conseil de Sécurité pour qu'il se montre plus intransigeant envers l'Irak. Les dix membres perzanents de ce Conseil ont reçu hier une version expurgée de la déclaration irakienne sur ses programmes d'armement. Cette version regroupe environ 3.500 pages, sur un total de 12.000. Des annexes et d'autres documents leur seront communiqués ultérieurement. Les noms des firmes ayant livré des armes à l'Irak ont été retranchés des documents remis aux membres non permanents du Conseil de Sécurité, de même que tous les éléments qui pourraient servir à la fabrication d'armes de destruction massive. La France et la Russie ont déclaré qu'elles attendaient l'évaluation, ce jeudi, de Hans Blix avant de juger de la qualité de la déclaration irakienne. Des sources bien informées rapportent que ce dernier ne présentera qu'une brève mise au point et réserverait son analyse globale pour la mi-janvier. Il faudrait, en effet, un certain temps aux Nations Unies pour tirer des conclusions du rapport irakien. Ce document indique que des dizaines d'entreprises, pour la plupart européennes, américaines et japonaises, ont fourni à l'Irak les composantes et le savoir-faire dont il a besoin pour développer l'arme atomique. Ces informations ont été tenues secrètes pour éviter que le savoir-faire nucléaire ne tombe entre des mains mal intentionnées et pour protéger les entreprises-partenaires de l'Irak. Ces composantes ont été fabriquées et vendues par plus de 30 entreprises allemandes, 10 américaines, 11 britanniques et une poignée de sociétés suisses, japonaises, italiennes, françaises, suédoises et brésiliennes. Au total, ce sont plus de 30 pays qui ont participé au programme nucléaire irakien. Sur le terrain, les inspections des armements irakiens sont entrées hier dans leur quatrième semaine avec le contrôle de nouveaux sites suspectés d'abriter des armes prohibées. Les inspecteurs sont arrivés le 25 novembre en Irak. Le porte-parole de la mission onusienne a précisé que les experts avaient déjà mené une centaine d'inspections sur 80 sites. Certains de ces sites étaient d'immenses complexes formés de nombreuses usines et installations. À Londres, les dirigeants de l'opposition irakienne ont échoué à surmonter leurs divergences. Certains opposants ont même quitté la salle de conférence en menaçant de déclencher une guerre civile en Irak si Saddam Hussein était renversé. Cette conférence, qui a été organisée par six groupes reconnus par les Etats-Unis, a regroupé 330 délégués exilés. Elle s'est achevée sur un timide appel à la mise en place d'un régime fédéral en Irak et la création d'un comité de suivi de 66 membres pour prendre la relève de Saddam Hussein. Mais les participants ont lamentablement échoué à dépasser leurs contradictions. «Si les Sunnites n'ont pas une très grande représentativité dans le futur gouvernement irakien, le pays risque la guerre civile» a menacé le porte-parole du «Mouvement islamique», un groupement de Kurdes et de Sunnites basé dans le Nord irakien. 30 délégués de ce mouvement ont quitté la salle de conférence avant d'être rejoints par les membres d'un autre groupuscule chiîte basé, lui, à Damas. Contrairement aux autres pays arabes, il y a plus de chiîtes que de sunnites en Irak. Cette minorité, basée au centre de l'Irak et dont fait partie Saddam Hussein, gouverne ce pays depuis 1920. Ces représentants se sont sentis floués par le système de quotas adopté par la conférence de Londres. En fait, la représentativité réelle de ces groupes est inconnue. Saddam Hussein est au pouvoir depuis 30 ans et ces opposants vivent en exil depuis des décennies. Il existe d'ailleurs dans le comité retenu par la conférence d'anciens alliés de Saddam Hussein, comme Ouafik Al-Samerrai, ancien chef des renseignements irakiens. «C'est un grand comite. Il n'y manque que Saddam Hussein», a déclaré un opposant irakien aigri.