La Villa des Arts à Casablanca abrite jusqu'au 1er mars 2003 une exposition qui tire la sonnette d'alarme sur des arts en voie de disparaître. Il existe des expositions à placer sous le signe de l'urgence. Des expositions, certes, à valeur artistique, mais qui ont pour mission d'attirer l'attention du visiteur sur des objets menacés de disparaître. La fin assignée à ces expositions n'est pas seulement esthétique, elle est porteuse avant tout d'un message. Elle ne parle pas seulement aux yeux, mais attire notre attention sur un patrimoine en déperdition. La manifestation qui a lieu à la Villa des Arts porte un titre qui ne laisse pas le moindre doute quant à son urgence : «Architecture des oasis, vitalité d'un patrimoine en danger». Son initiatrice, Salima Naji, essaie de rendre contagieux à autrui l'objet de sa passion. Elle a mis tout en œuvre pour capter l'intérêt du visiteur. Des maquettes, des panneaux et surtout une scénographie des pièces qui suggère les personnes qui les ont fabriquées. C'est à des formes d'expression vivantes que l'on a affaire ici. Chaque objet est placé dans son environnement naturel. Il est si présent que l'on voit presque la femme derrière le métier à tisser. On voit presque le maâlem qui a laissé en suspens, le moment de reprendre son souffle, la porte à décorer. Ses bols de pigments naturels sont encore là. Est-il parti manger avec sa famille ? S'abrite-t-il à l'ombre d'un palmier pour boire un verre de thé ? La force de cette exposition réside certainement dans les hommes et les femmes qu'on voit derrière chaque objet. Nous sommes très loin d'une perspective qui embaume les objets dans le temps de naguère ou jadis. Toutes les pièces sont vouées à un usage quotidien, tout est fonctionnel. Pour mieux convaincre de cette réalité, Salima Naji a reconstitué une chambre dans une demeure berbère. Les larges murs en pisé communiquent au toucher la sensation de la vie de ceux qui y résident. En palpant les murs rêches, on voit ceux qui y habitent. C'est le pari réussi de l'exposition : donner à voir la vie des hommes et des femmes qui évoluent dans leur décor naturel.