La jeune Sofia El Mountassir Billah est casablancaise, elle a 17 ans et elle vient de remporter le concours des plaidoiries de Caen en France, sa plaidoirie était pourtant ardue puisqu'elle avait pour titre «Silence on viole». Sofia avait déjà été remarquée lors des différentes éditions «Des Bouquins et des Jeunes», activité de l'association Maroc Pluriels juniors qu'elle anime, elle avait été d'ailleurs particulièrement brillante lors de l'édition dont la talentueuse Sanaa El Aji était l'invitée sur le thème de la sexualité pré-conjugale au Maroc. À Caen Sofia avait choisi de dénoncer le harcèlement dont sont trop souvent victimes les femmes au Maroc. Sa plaidoirie portait tout particulièrement sur l'histoire de la jeune Zineb, violée dans un bus à Casablanca sans que personne ne s'interpose ! Elle avait aussi décidé d'évoquer la jeune Amina Filali. Celle-ci s'était suicidée à l'âge de 16 ans après avoir été violée – et était devenue le symbole de la lutte de toute une partie de la société marocaine, mobilisée alors pour faire abroger l'article 275 du code pénal- qui faisait que le violeur n'était pas poursuivi par la justice s'il épousait sa victime !!!! Sofia a su trouver les mots, le ton, l'empathie pour dénoncer le peu de cas fait aux droits de la femme et revendiquer une éducation sexuelle, à l'école, digne de ce nom. «Silence on viole», une plaidoirie de haut niveau de la part d'une très jeune fille qui a su dénoncer le fait que notre société trouvera toujours une «circonstance atténuante» au harceleur, voire au violeur, du style : «la jeune fille était provocante car elle portait une tenue indécente». Sofia a su faire passer un frisson lorsqu'elle a évoqué la dignité, la vie sacrifiée de tant de jeunes filles et montré que si enfin les lois bougeaient, les mentalités, elles, étaient encore verrouillées. Justement parlons-en de cette loi «contre les violences faites aux femmes» qui n'en finit pas de vivre un chemin de croix dans son processus d'adoption. En effet, les parlementaires ne montrent aucun enthousiasme à valider ce texte, depuis juin 2016 il dort dans les tréfonds de la deuxième Chambre et vient tout juste de franchir une nouvelle étape même si seuls 38 conseillers ont pris part au vote et s'il n'a été voté que par 25 d'entre eux lors de la séance plénière... c'est dire combien grand est le désintérêt de nos élus !!! Le texte doit maintenant revenir devant la Chambre des députés, en seconde lecture, rien n'est donc encore fait... Si la nouvelle loi introduit des peines contre les harceleurs (propos écrits, vocaux ou photos...) elle reste la cible des critiques des ONG qui l'estiment insuffisante. Cependant il faut reconnaître les avancées puisque le harcèlement sexuel pourra être puni d'une peine de trois ans de prison et que le harcèlement de rue sera lui aussi sanctionné. Ce fléau devenu courant au Maroc a effectivement besoin d'un cadre juridique, suffisamment dissuasif pour être efficace mais comme le soulignait Sofia, rien ne pourra se faire de durable sans une prise de conscience de tous et sans l'éducation qui va avec ! L'école a un rôle de première importance à jouer mais ne nous dédouanons pas pour autant, nous avons tous une responsabilité à assumer : dans la famille, dans les médias, dans la rue, sur les réseaux sociaux... réagir au coup par coup ponctuellement est indispensable et les alertes et campagnes menées sur le Web sont salutaires mais là aussi pour lutter contre ce mal qui nous ronge, c'est de courage politique qu'il s'agit. Une jeune fille de 17 ans vient de se dresser avec ses mots, avec son indignation, avec sa foi, cherchez sa vidéo sur la Toile, écoutez-la et soyons collectivement à la hauteur de son appel... agissons !