La transplantation en est encore à son plus faible niveau au Maroc. «Reins» est une association qui vient de voir le jour et qui se mobilise afin de venir en aide, moralement et financièrement, aux malades. Problème de santé majeur, l'insuffisance rénale chronique (IRC) est plus qu'une maladie. C'est un véritable calvaire et seules les personnes qui en sont atteintes savent de quoi il en ressort. Leur vie, si l'on peut se permettre de la qualifier de « vie », ne se résume plus qu'à des séances interminables passées dans les centres de dialyse. Encore faut-il en avoir les moyens. Travail, scolarisation, grossesse, loisirs, intimité, jusqu'au sourire, tout se perd dans les méandres de la maladie. Face à ce qu'endure toute une frange de la société, « Reins » est une association qui vient de se constituer tout récemment, dans l'optique de contribuer à atténuer les outrages de la maladie. Information de l'opinion publique sur la maladie ; contribution à la formation et à l'information sur la dialyse et la transplantation rénale ; aide à l'insertion et à la réinsertion et apport d'aide financière : telles sont les grandes lignes auxquelles «Reins» envisage de se consacrer. Aussi, l'encouragement de la transplantation rénale est le grand défi à relever pour la toute jeune association. « L'insuffisance rénale chronique constitue un problème de santé publique dont la résolution nécessite de plus en plus de moyens. Ce qui rend la tâche davantage difficile pour des pays comme le Maroc, où les moyens font encore défaut. Aussi, la problématique de la prise en charge se pose avec acuité. Surtout lorsque cette même problématique s'accompagne d'énormes soucis d'ordre médical, social et économique », souligne le professeur Amal Bourquia, néphrologue et présidente de l'association « Reins ». La présidente de « Reins » est, à ce propos, bien placée pour pouvoir parler de l'IRC et des enjeux relatifs à la situation au Maroc. En effet, diplômée du Certificat national de néphrologie de la Faculté de médecine René Descartes de Paris, Amal Bourquia a participé à la mise en place et au développement de la dialyse périodique et au démarrage de la transplantation rénale au Maroc. Elle est, par ailleurs, l'auteur de plusieurs ouvrages sur la question. Du haut de son expérience et en vertu de ses connaissances du sujet, Amal Bourquia milite pour donner un véritable coup de fouet à la transplantation au Maroc. À noter que seule la transplantation est à même de rendre au malade une vie normale. Mais, dans ce dessein, beaucoup de chemin reste à parcourir et les embûches ne manquent pas. Sur le terrain, rares sont les établissements, exclusivement publics, autorisés à pratiquer la transplantation. A ce propos, Amal Bourquia met en avant la performance de la médecine privée et déplore que celle-ci en soit exclue. La rigidité de la loi sur cette question puise sa légitimité dans une volonté de contrôler cet aspect de la médecine, qui fait l'objet d'une convoitise vorace de la part des trafiquants d'organes dans le monde. En ce sens, la loi insiste également sur le fait que les donneurs autorisés doivent être apparentés (frère, sœur, parents…), afin d'éviter toute « transaction ». « Reins » met également en exergue l'intérêt du recours à des donneurs en état de mort cérébrale, pratique autorisée par la loi marocaine mais non appliquée. Il n'est pas difficile de comprendre l'aspect antagonique d'un tel recours : sauver la vie d'une personne par la mort d'une autre. Il faut aussi reconnaître les obstacles religieux et sociaux au prélèvement d'organes sur une personne décédée. La question relève d'une certaine sacralité et la violation de l'intégrité du corps, puis sa mutilation, sont autant d'entraves à cette pratique. «Il faudra transformer l'acte de dépossession du corps du parent, à qui l'on prélève des organes, en un acte de générosité et de noblesse», estime Amal Bourquia. Celle-ci espère parvenir à lever ce tabou incommensurable, mettant en relief le nombre de morts, se comptant par milliers, que font les routes marocaines et l'utilité de pouvoir faire des prélèvements sur eux, insistant sur «le tact et le respect» qui doivent prévaloir lors de l'approche des parents de la victime. Lorsque l'on saisit les contraintes de la dialyse, l'on saisit, également, la dimension salutaire de la transplantation. La dialyse coûte excessivement cher et l'on ne parvient à traiter qu'une petite quantité de sang par séance. Plusieurs passages par le dialyseur, par semaine, d'une durée pouvant aller jusqu'à 5 heures, sont obligatoires pour faire le travail du rein. En parallèle, un traitement médical et un régime alimentaire strict sont à observer, sachant, dans le meilleur des cas, que la survie se situe entre 20 et 25 ans. Amal Bourquia précise que « La dialyse, avec son lot de consultations, hospitalisations et traitements stricts, bouleverse la vie du patient et de son entourage. C'est un vrai handicap dans la vie quotidienne, avec une diminution des sorties, loisirs et vacances ( ) et aussi dans la vie professionnelle, car la dialyse, dont les séances sont longues et fréquentes, implique souvent une cessation d'activité. »