Najia n'a que dix printemps et pourtant son corps présente des traces de torture et de violence attestant de la barbarie de ses bourreaux. Elle est la benjamine d'une famille indigente de la périphérie d'Agadir ; une famille qui ne pense qu'à son gagne-pain quotidien. L'école ? Elle est très loin du douar, en plus, cette famille ne dispose pas de quoi acheter les fournitures scolaires. Ni Najia donc ni ses trois frères et sœurs n'y accèdent. Ils passaient leurs premières années au douar pour regagner par la suite Casablanca ou Agadir pour se débrouiller et aider leur famille. C'était le même sort pour Najia. A son huitième printemps, elle a été confiée à une famille installée à Agadir contre un salaire mensuel de cinq cents dirhams. « Tu dois m'appeler, moi et mes filles par “Lalla“ et mon époux et nos fils par “Sidi“… » lui apprend-elle avec un ton sévère. Désormais, Najia doit servir toutes les personnes qui se trouvent à la maison, y compris les invités. Elle ne doit jamais protester. Tout le monde lui donne des ordres, la pousse et la maltraite. Elle se réveille la première, et mange et dort la dernière. «Tu dois dormir là, à la cuisine sur ce petit divan…», lui indique sévèrement son employeuse. D'un jour à l'autre, les injures cèdent la place à la violence. Najia n'oublie jamais ce jour, lors duquel elle a subi la première gifle de l'un de ses “Sidi“. Elle n'a pu retenir ses larmes au point que son employeuse s'est révoltée et lui a asséné des coups de bâtons. Depuis, elle subit les coups de pieds, de poings, de bâtons en bois, de tuyau en plastique, et les brûlures de certaines parties du corps par une brochette enflammée. Ses parents étaient-ils au courant ? Non. Quand son père arrive pour lui rendre visite et recevoir le salaire, elle ne peut rien lui confier. Sa “Lalla“, qui la conseille de temps en temps de ne rien dire à son père, ne les quitte pas d'une seconde. Samedi 2 novembre 2002, Najia n'a pas bien lavé la vaisselle. Comme si elle a ouvert un trou de l'enfer. «C'est quoi ça ? Tu n'as pas de mains?…» l'interroge sa patronne sur un ton menaçant. Najia baisse la tête, garde le mutisme, avale sa salive. Une première gifle puis un deuxième sur sa joue. Najia fond en larmes. Elle ne devait pas pleurer. «Fermes ta gueule», entend-t-elle. Najia tente de ne pas répondre, continue à gémir. Sa «Lalla» la saisit par le bras, la traîne vers la cuisine, la dénude, ne lui laisse même pas sa culotte, prend un tuyau en plastique, commence à la fustiger. Najia crie, hurle. Sans clémence, l'employeuse continue à la maltraiter avec le tuyau avant d'allumer la bonbonne de gaz, prend une brochette, l'enflamme pour lui brûler le corps. Najia crie à haute voix et perd conscience. Son employeuse la traîne jusqu'à son coin à la cuisine, lui remet ses vêtements et la laisse à son propre sort. Quelques minutes plus tard, son mari rentre, cherche la bonne et ne la trouve pas. «Où est-elle ?», demande-t-il à sa femme. «Elle est à sa place», lui répond-elle. Il regagne la cuisine, découvre sa domestique dans un état lamentable. Il se contente de la transporter vers l'hôpital d'Inzeggane, puis à Agadir. Là, le médecin remarque l'état détérioré de la santé de la fille, alerte la police et une enquête fut ouverte. L'employeuse est arrêtée. «Je suis diabétique et je ne supporte pas ses comportements qui me provoquent…» justifie-t-elle sa violence contre Najia. Déférée devant le parquet général près la cour d'appel d'Agadir, l'employeuse a bénéficié de la liberté provisoire. La cause ? Le père de la domestique a présenté un désistement. Il était plus clément qu'elle, bien que la victime était sa propre fille.