Abandonnée par une famille indigente, exploitée, violée par son employeur et obligée à avorter et rejetée par sa famille, Naïma, 20 ans, bonne à tout faire, se retrouve dans la rue. Durant ses vingt printemps, Naïma n'était jamais heureuse. Elle se retrouvait à chaque fois plongée dans le gouffre d'une vie de misères. Et elle n'a jamais trouvé celui (ou celle) qui pourrait la protéger ou la sauver. Quand elle est née en 1985 à Sidi Hajjaj, province de Settat, elle s'est retrouvée dans une famille indigente qui arrivait à peine à gagner son pain et devant des parents qui ne cessaient jamais d'échanger les invectives et se quereller pour un oui ou un non. Une relation conjugale conflictuelle qui a fini, à peine quelques mois après la naissance de Naïma, par le divorce. Par la force de la loi, Naïma a été confiée à sa mère. Mais l'état de dénouement dans lequel vivait la mère a forcé cette dernière à confier sa fille chérie, non pas à une personne étrangère, mais à son propre père. Naïma sera désormais élevée par son grand-père. Ce dernier a déployé tous ses efforts pour que la fille ne grandisse pas loin de la famille. Son manquement est qu'il ne l'a pas inscrite à l'école. Naïma est restée analphabète. Au fil des années, la fillette a grandi. Ses problèmes avec. Ses soucis ne sont désormais plus la nourriture ou l'habillement, mais ceux d'une jeune adolescente : la découverte de soi, de son corps, de l'amour…Une telle découverte l'a poussée, à son quinzième printemps, à se jeter entre les bras du premier jeune homme qui a osé lui chuchoter à l'oreille des mots mielleux. Depuis, elle se glissait, loin des regards, dans le lit de son amant. Des moments de rêves qui se sont vite transformés en cauchemar lorsqu'elle a découvert qu'elle n'était plus vierge. Que devait-elle dire à sa mère, à son père qui lui rendait de temps en temps visite, à son grand-père qui a veillé sur elle ? Son amant a coupé court à ses interrogations en lui promettant de l'épouser. Et il s'est effectivement présenté chez sa famille pour demander sa main. La date de la nuit des noces a ainsi été fixée. Un espoir vite brisé par le décès du prétendant dans un accident de la circulation. Que devrait-elle faire après ? Son oncle lui a proposé de le rejoindre à Casablanca. Naïma n'avait pas d'autre choix. Elle a emballé ses affaires et pris son chemin vers la capitale économique. C'est la première fois qu'elle a mis les pieds dans cette métropole. Son oncle l'a accueillie à la gare routière d'Ouled Ziane et l'a conduit chez lui au quartier Moulay Abdellah, à Hay Hassani. Là, elle a été traitée comme une bonne à tout faire. Elle se penchait sur toutes les tâches domestiques au point qu'elle a pensé à retourner chez son grand-père. Début décembre 2004, Naïma croise une femme qui lui a proposé de travailler chez elle en contrepartie de 600 dirhams. Naïma a rapidement accepté, sans même retourner chez son oncle. Elle a accompagné la femme à destination de chez elle au quartier Maârif. Naïma était pleine de joie. Là au moins, elle sera payée pour son travail. Sa nouvelle famille d'accueil est composée d'une femme, employée dans une société d'esthétique et de coiffure, un mari, aide-commerçant chez son frère et trois enfants dont l'aîné a 14 ans et le benjamin a 3 ans. Vendredi 31 décembre 2004. Son employeur, Ahmed, 44 ans, est sorti avec ses amis dans un bar pour célébrer le nouvel an 2005. Il n'est rentré chez lui qu'à l'aube. Le lendemain, il s'est levé en retard. Il n'y avait dans l'appartement que Naïma. Sa femme est à son travail, les enfants chez leurs grand-parents. « Emmènes un verre d'eau », demande-t-il à Naïma qui s'est dépêchée vers la cuisine. En lui tendant le verre, Ahmed l'a tenue par le poignet de sa main et l'a attiré vers lui. Elle a tenté de reculer. Mais en vain. Il l'a harcelée. Elle a refusé de lui obtempérer. Il a insisté. En vain. Il s'est levé, l'a tenue par la force, lui a enlevé ses vêtements et l'a violée. Après avoir fini, il l'a menacée de la rejeter à la rue si elle confie quoi que se soit à quiconque. Un mois plus tard, elle a remarqué qu'elle n'avait plus ses règles. Elle est enceinte. Elle s'est confiée à son patron. Celui-ci lui a livré un billet de 100 dh pour qu'elle consulte un médecin. La conclusion de l'examen médical a tranché : Naïma est bel et bien enceinte. Quelle sera la solution ? Ahmed lui a demandé de garder le secret et a promis de l'épouser bientôt. Mi-février, Ahmed l'a chassée de chez lui. Naïma s'est rendue chez une cousine à elle au quartier Al Ousra, tout en continuant à appeler son employeur pour trouver une issue à son problème. Jeudi 24 février, Ahmed lui a demandé de l'attendre dans un café au quartier Maârif. Quelques minutes plus tard, il l'a rejointe, lui a demandé de le suivre chez un gynécologue dont le cabinet se trouve au boulevard Afghanistan, à Hay Hassani. Rendez-vous était pris pour le lendemain à la clinique Les Almohades. Seulement, le médecin ne les a accueillis que samedi 26 février. Sans l'avoir enregistrée, le gynéco la conduite vers la salle des opérations et l'a avortée après lui avoir injecté un liquide dans son bras gauche. Naïma a perdu conscience. Quand elle s'est réveillée, elle a été conduite par une infirmière jusqu'à la porte de la clinique pour rencontrer son amant qui l'attendait. Ce dernier lui a lancé qu'elle doit partir et ne plus le gêner une autre fois. Rejetée par tout le monde, elle s'est adressée deux mois plus tard à la police pour déposer plainte. Une enquête est lancée par les éléments de la 13ème section judiciaire de Casablanca-Anfa. Ahmed a avoué avoir couché avec Naïma, qui était consentante, et d'avoir versé une somme de 2250 dirhams au gynéco pour l'avorter sans l'aviser. Le médecin, lui, a nié avoir été présent à la clinique ce jour du 26. Le gynécologue et Ahmed, poursuivi seulement pour adultère relâché par la suite, le 13 mai, ont repris leur vie normale. Naïma, elle, continue de souffrir dans sa solitude.