Il y a quelques mois, le président du gouvernement espagnol avait chargé son "ministre pour Sebta et Melillia", Javier Arenas, d'élaborer un plan pour limiter la dépendance économique envers le Maroc des deux villes occupées. Le résultat de cette "réflexion" extraordinaire a été rendu public mardi dernier. C'est un état d'alerte qui est décrété au sein du gouvernement espagnol autour de la question de Sebta et Melillia. Les deux villes marocaines occupées connaissent ces derniers jours des visites successives des membres du gouvernement de José Maria Aznar pour tranquilliser les colons qui y sont installés sur leur avenir et l'attachement de Madrid aux deux présides comme territoire espagnol. La liste des membres de l'Exécutif populaire, qui ont visité ou visiteront, les deux enclaves, comprend les deux vice-présidents, Mariano Rajoy et Rodrigo Rato, et les ministres de la Défense, de l'intérieur, du développement, de l'éducation ainsi que le titulaire du département de la santé et de l'environnement. Cet ensemble de visites est orchestré par la tête pensante du gouvernement ibérique chargé des affaires de Sebta et Melillia, à savoir le "ministre secrétaire général", Javier Arenas. En effet, ce membre du gouvernement, qui jouit de la confiance de José Maria Aznar, a été chargé par celui-ci, il y a quelques mois, de préparer un "projet pour contrecarrer les plans du Maroc" dans la stratégie de décolonisation des deux villes occupées. Une responsabilité que Javier Arenas avait tellement pris au sérieux qu'il s'est obsédé avec le dossier au point d'oublier ses autres responsabilités au sein du gouvernement. D'ailleurs ses collègues le surnomment "ministre pour Sebta et Melillia" à l'instar du "ministre pour l'Irlande du nord” existant dans le gouvernement de Tony Blair. Le volet socio-économique de ce plan a été présenté et approuvé lors d'une réunion du gouvernement espagnol tenue mardi dernier. Parmi les points essentiels contenus dans le projet élaboré par Arenas, figure un plan en quelques points visant à éviter l'asphyxie économique des deux villes. Ce plan est annoncé par le deuxième vice-président du gouvernement et ministre de l'économie, Rodrigo Rato, qui a visité Melillia samedi et dimanche dernier. Rato a annoncé, à l'occasion, la décision du gouvernement central espagnol de destiner un important budget à la dynamisation de l'économie des deux villes occupées : 71 millions d'euros à Sebta et 67 millions d'euros à Melillia. Ainsi, à Sebta, cet investissement public sera destiné à l'amplification du port et de l'Héliport, à l'amélioration des services de l'hôpital, à la construction de nouvelles écoles et à l'amélioration des infrastructures routières. À Melillia, outre l'investissement dans l'amélioration de la qualité des services sociaux, il est prévu, essentiellement d'agrandir l'aéroport et de construire de nouvelles installations et casernes de la garde civile. S'agissant du port de Sebta, il est évident que l'initiative de son amplification est une réaction à la décision du Maroc de construire le complexe portuaire méditerranéen de Tanger. Mais, cette évidence semble échapper au deuxième vice-président du gouvernement espagnol qui a déclaré à un quotidien espagnol que l'amplification du port de Sebta et l'amélioration de la situation économique dans cette ville va aussi bénéficier au Maroc. "L'atout le plus important de la ville (Sebta) est sans doute sa capacité de se convertir en un port de référence dans la zone de la Méditerranée…ceci est aussi bon pour notre voisin (le Maroc)", a-t-il déclaré. S'agissant de Melillia, le responsable espagnol a déclaré que "le plan d'action du gouvernement est une déclaration de politique de soutien et de pari sur le futur de Melillia".Rato a aussi expliqué que les dotations budgétaires extraordinaires destinées à Melillia visent à "promouvoir un meilleur développement économique et social avec des aides et des incitations pour augmenter la diversification et sectorielle de son économie (Melilla) et attirer de nouveaux investissements qui puissent parvenir à réduire son actuelle dépendance économique avec le Maroc". Les investissements publics faisant partie du plan Arenas sont répartis comme suit : la défense avec 11,6 millions d'euros ; l'agrandissement de la piste de l'aéroport pour 16,7 millions d'euros, l'équipement, notamment les infrastructures routières, avec 11 millions d'euros ainsi que le renforcement du contrôle des "frontières", l'équipement de la garde civile et constructions pénitentiaires avec 7,8 millions d'euros. Une simple lecture dans les détails de ces projets dénote la nature militaire et stratégique de leur objectif. Car on ne peut prétendre débloquer une situation socio-économique par un budget extraordinaire en allouant plus de 80 % à des projets à connotation militaire. D'ailleurs le seul projet à caractère social retenu dans ce plan Arenas est celui de "la climatisation de l'hôpital public". Il est donc évident que ce fameux plan d'action, qui aurait nécessité des mois de réflexion de la part du "ministre pour Sebta et Melillia", Javier Arenas, n'est qu'un "plan Marshall raté " comme se plaisent à l'appeler les acteurs politiques de la ville qui l'ont vivement critiqué.