Ahmed Osman, ancien Premier ministre, ancien président du Parlement et président du RNI, estime que l'ONU n'est ni un gouvernement international, ni un tribunal international, et que les propos de Kofi Annan font certainement partie du jeu américain. ALM : Quelle est votre réaction concernant les propos tenus par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, au sujet du Plan Baker II? Ahmed Osman : J'ai bien évidemment été choqué. Je le suis d'ailleurs depuis longtemps car les Nations unies n'ont aucun droit de s'immiscer dans cette affaire. L'ONU n'est ni un gouvernement international, ni un tribunal international. Je ne vois donc pas ce qu'elle vient faire là-dedans. Il y a, en fait, un amalgame et une confusion grave, qui risque de ruiner le monde entier. Prenez l'affaire irakienne: ce ne sont pas les Nations unies qui la règleront. Au contraire. Ce n'est pas son domaine. De plus, les Etats-Unis veulent tout s'accaparer et se comportent de manière aberrante. Seuls les peuples concernés doivent s'exprimer et décider de leur destin. Ils ne doivent rien attendre, ni espérer des Nations unies. Vous pensez qu'il y a une connivence entre les Etats-Unis et les Nations unies? Les propos de Kofi Annan font certainement partie du jeu américain. Les Etats-Unis essayent de reléguer et de confier l'affaire du Sahara à l'ONU pour ne pas apparaître au devant de la scène. Ils n'ont pas le droit d'investir l'ONU. Nous n'avons aucun compte à rendre à cette dernière. Qu'entendez-vous par "décider de leur destin"? Je rappelle que j'ai été investi par Feu Hassan II pour diriger la marche verte. Cette marche, qualifiée par un collègue ministre d'événement du siècle, a marqué toute une époque et toute une génération. Nous avons décidé de notre destin nous-mêmes. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que nous avons tendance à oublier la marche verte. On oublie également le Traité de Madrid que j'ai eu également l'honneur de signer avec l'Espagne et la Mauritanie. Tous les efforts consentis par le Souverain et par le peuple ont été carrément oubliés. A l'époque de la marche verte, le président du Conseil de sécurité de l'ONU avait contacté Feu Hassan II pour demander des explications. La réponse du Souverain a été claire: le Maroc s'est exprimé à travers la marche et a décidé de son destin. Faut-il croire que l'ONU doit être dessaisie de cette affaire? Politiquement, ça serait difficile. Mais une chose est sûre, toute solution doit émaner des Marocains eux-mêmes et non d'une organisation comme l'ONU. En outre, les Marocains ne doivent pas agir en ayant à l'esprit la satisfaction des Nations unies. Ce n'est pas notre but. Nous avons notre Souverain et personne ne peut nous dicter quoi que ce soit. Que pensez-vous du rôle de l'Algérie? L'Algérie n'a aucun droit au Sahara et ne doit donc rien revendiquer. Je rappelle, toutefois, que le Polisario a été créé en 1973 par l'Espagne en connivence avec l'Algérie qui craignait de voir le Maroc parachever son intégrité territoriale. Que pensez-vous de la réaction de l'ambassadeur Bennouna? Elle a été à la hauteur de la gravité des propos du secrétaire général de l'ONU. Enfin, nous avons une réaction sensée et positive. Nous devons rester solidaires et tenir fermement à nos principes, à notre terre et à notre histoire. Il ne faut surtout pas faire table-rase du passé. Mais concrètement, que peut faire le Maroc pour mieux défendre son intégrité territoriale? Le problème est réglé. Ce que le Maroc doit faire maintenant, c'est d'appliquer les directives de SM Mohammed VI. En ce sens que le Souverain a eu la sagesse, essentiellement lors de sa visite aux provinces du Sud, de décider d'appliquer la régionalisation. En effet, nos provinces sahariennes peuvent être un modèle pour l'ensemble du Maroc en matière de régionalisation. Mais encore faut-il qu'il s'agisse d'une véritable régionalisation. Expliquez-nous ce que vous entendez par "véritable régionalisation" Il s'agit pour la région d'exercer toutes les compétences d'ordre économique et social et même politique, sauf en matière de diplomatie et de défense nationale. C'était le souhait de Feu Hassan II, qui pensait à une régionalisation selon le modèle espagnol. J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais président du Parlement au début des années 1980, de visiter l'Andalousie. J'ai été frappé par la manière avec laquelle les régions gèrent leurs territoires. Aujourd'hui, au Maroc, les choses n'avancent pas comme nous l'avons souhaité. Mais nous continuerons à militer pour que les Sahraouis puissent gérer leurs affaires dans le cadre de la Nation et l'unité du Maroc.