Questions à Boushra Benyezza, psychologue et art thérapeute au Centre universitaire psychiatrique Ibnou Rochd ALM : La souffrance des familles de schizophrènes est pénible. Devraient-elles aussi être prises en charge ? Boushra Benyezza : Les parents sont dans une souffrance totale. Très souvent ils sont en dépression, ils vivent dans l'insécurité totale mais surtout dans la solitude. Avec le temps les parents représentent eux-mêmes des symptômes d'agressivité et de violence. Je me souviens de la maman d'un patient qui était elle-même dépressive. Quand je lui ai proposé d'être prise en charge, elle m'a engueulée en précisant qu'elle n'était pas folle. Malheureusement, il n'y a pas de structures qui prennent en charge les familles des schizophrènes. Personnellement et pour ne pas brusquer certains parents, je les invite à parler du cas de leur enfant et petit à petit on se met à parler de leur propre souffrance, et on fait de la psychothérapie sans qu'ils s'en rendent compte. Mais dès qu'on leur propose un traitement ils refusent catégoriquement et risquent même de ne plus ramener leur fils aux séances. Là, bien sûr, je parle des cas défavorisés. Pour l'autre catégorie, il y a l'image de la famille et là c'est une autre histoire. Comment les aider alors ? On doit corriger les idées reçues sur ces maladies, on doit informer mais pas dans l'horreur. Il faut communiquer de manière positive. Nous devons aussi aller chez les mamans et les convaincre d'interner leurs enfants malades. On doit leur redonner confiance en nos centres psychiatriques et leur expliquer que ce ne sont plus des asiles où on maltraite les patients. Aujourd'hui, dans notre centre, il y a des caméras de surveillance partout et on s'assure que les patients sont très bien pris en charge. D'ailleurs, j'organise des ateliers de peinture, de théâtre et de musique pour les personnes qui souffrent de troubles psychiques. Ça le aide à canaliser leur énergie et exprimer ce qu'ils ressentent. Quel message adresseriez-vous aux familles des schizophrènes ? N'ayez pas honte de raconter votre histoire et surtout de dire que vous êtes fatiguées. Dites que vous avez besoin d'être écoutées. Propos recueillis par Khaoula Benhaddou