La Matisse Art Gallery, à Marrakech, devrait ouvrir ses portes, aujourd'hui, à l'artiste peintre Noureddine Daifallah. Au menu, des calligraphies où l'écriture se confond avec la peinture. Une belle et audacieuse trouvaille indéchiffrable. C'est aujourd'hui que Noureddine Daifallah devrait inaugurer son exposition portant sur la calligraphie arabe, à la Matisse Art Gallery, à Marrakech. L'artiste-peintre compte y présenter 35 de ses récentes œuvres dont quatre grandes toiles. Noureddine Daifallah qui exposera jusqu'au 11 janvier 2005 a préféré, cette fois-ci, ne pas donner de titre à cette exposition. «C'est un choix délibéré. J'ai laissé mes œuvres sans titre parce que je traite, en fait, plusieurs sujets. Cette exposition est plurielle !» note Noureddine Daifallah. Professeur des arts plastiques à Marrakech, il a donné un nouveau souffle à la calligraphie arabe, en éliminant de ses œuvres les points diacritiques de l'écriture arabe et les voyelles. «À travers cette nouvelle démarche, je voulais rendre mes tableaux illisibles et indéchiffrables. Une manière de faire taire la calligraphie et de faire parler davantage la peinture». Contrairement de ses calligraphies, Noureddine Daifallah est clair. Il a voulu se démarquer de ses prédécesseurs, investir un nouveau créneau et rendre l'écriture peinture. En exposant, aujourd'hui, à la Matisse Art Gallery, Noureddine Daifallah semble bien relever le défi. La première exposition de cet artiste peintre marrakechi date de l'année 1977, alors qu'il n'avait que 17 ans. Depuis, les œuvres de Noureddine Daifallah ont traversé la Méditerranée pour être exposées, entre autres, à Paris, en Italie et au Portugal. Plus qu'un art, l'écriture arabe véhicule toute une culture et une civilisation. Une charge hautement symbolique qui se décline dans plusieurs champs, en l'occurrence le champ religieux. Pour les musulmans, l'écriture a un caractère sacré. C'est ainsi que la calligraphie est devenue un élément décoratif essentiel des mosquées et autres monuments et une base importante de l'art des arabesques. L'écriture arabe a, en fait, l'avantage de se prêter gracieusement à de multiples métamorphoses. Et ce n'est pas Noureddine Daifallah qui dira le contraire, lui qui trouve que «l'écriture arabe est à la fois un art noble, une tradition séculaire et un patrimoine à sauvegarder». Créatif et porté sur les dernières techniques picturales, il remplace le «kalam», le traditionnel instrument des calligraphes, par le pinceau et ose faire supplanter l'encre par la peinture. Un sacrilège aux yeux des puritains et une belle trouvaille pour cette jeune génération d'artistes. En travaillant, cette fois-ci, uniquement sur deux supports, la toile et le papier, Noureddine Daifallah a tenu à faire dans la polysémie. Ses œuvres, sombres pour la plupart, ont été peintes avec des couleurs «terre». «Pour garder l'authenticité de cet art et présenter un travail neuf, certes, mais avec une touche d'un ancien tableau», précise-t-il. Si le calligraphe présente des œuvres différentes l'une de l'autre, le dénominateur commun reste, incontestablement, le texte que Noureddine Daifallah reproduit dans ses tableaux. Il s'agit du célèbre ouvrage de l'écrivain Abdelkbir Khatabi, «Al-Maârifia Al-arabia». L'artiste n'a ménagé, semble-t-il, aucun effort pour brouiller les lettres et faire en sorte que la personne qui regardera son travail cherchera, en vain, à détecter un traître mot. Noureddine Daifallah est le seul à pouvoir déchiffrer ses œuvres. Enigmatique.