Les attentats meurtriers qui ont secoué les villes irakiennes de Karbala et Najaf, choquant les populations, laissent entrevoir des intentions douteuses, outre celles de semer la mort et de terroriser la population. Qui pourrait bien avoir des intérêts à ce que l'Irak bascule dans une guerre civile? Sunnites et Chiites payent un lourd tribut à la guerre sale en Irak et il semble que l'on cherche à les pousser vers le point du non-retour. Le chaos s'est déjà enraciné dans le pays, mais il semble que les forces de l'ombre veulent plus. Un « plus » que l'on n'arrive pas à situer, ni à définir. Au vu de l'état dramatique dans lequel se trouve l'Irak post-Saddam, l'on s'imagine mal comment pourrait empirer la situation. Les villes saintes chiites irakiennes ont été, dimanche dernier, la cible d'attentats meurtriers simultanés. L'explosion d'une voiture piégée à Karbala a fait 14 morts et 57 blessés dans une station de bus. L'attentat a été perpétré à proximité du mausolée de l'Imam Hussein. À Najaf, on déplore 52 morts et plus de 140 blessés après l'explosion, deux heures après celle de Karbala, d'une autre voiture piégée. L'attentat a eu lieu dans une ruelle commerçante à une heure de forte affluence, à proximité, également, d'un lieu-saint du Chiisme, le mausolée de l'Imam Ali. Les similitudes entre les deux attentats qui ont endeuillé les deux villes saintes, dimanche, sont étonnantes. Deux villes chiites, proximité des lieux-saints les plus importants pour les Chiites d'Irak et d'ailleurs, façon de procéder, etc. : les liens sont indiscutables et les commanditaires ne pourraient qu'appartenir au même groupuscule. Ce sont là les attentats les plus sanglants contre les Chiites depuis ceux de mars 2004, qui avaient fait plus de 170 morts à Kerbala et à Bagdad. Karbala et Najaf ont été fortement secouées. Tout comme l'est Bagdad ou Mossoul, presque tous les jours que Dieu fait. Mais ce qui pouvait être perçu comme des actes de résistance ressemblent, de plus en plus, à des actes nourrissant une tout autre ambition. Les civils irakiens qui étaient à chaque fois fauchés par les attentats meurtriers ne l'étaient, apparemment, pas par hasard. Cela se serait passé une ou deux fois, la place aurait été laissée au doute. Lorsque tous les attentats ciblent des civils, à des exceptions près où l'on s'en est pris à la garde irakienne, cela a de quoi laisser perplexe.Une chose est sûre cependant. Plus on s'approche de l'échéance du 30 janvier 2005, date fixée pour les élections en Irak, plus la violence gagne du terrain. Que les commanditaires des attentats aient des visées de mettre le pays à feu et à sang, plus qu'il ne l'est, où que ceux-ci aspirent à ce que le pays sombre dans une guerre civile, l'objectif de faire barrage aux élections sera amplement atteint. Mais une guerre civile, au cas où elle éclaterait, celle-ci aura le mérite de réveiller des haines ancestrales et d'entraîner, inéluctablement, le pays dans un virage dangereux. C'est une situation irréversible qui s'installera à jamais, lorsque l'on appréhende la profondeur et les spécificités tribales en Irak. En ce sens, les responsables de la communauté chiite à travers l'Irak ont appelé au calme et à la retenue, conscients des enjeux d'une flambée de la violence entre communautés religieuses. Les Sunnites, également, devraient tenir les mêmes discours envers leur communauté, faisant valoir les valeurs et les recommandations de l'Islam. Par ailleurs, la date fatidique du 30 janvier devrait, selon certains observateurs, « donner le pouvoir à la majorité chiite, longtemps opprimée au profit des sunnites.» Vraisemblablement, Saddam Hussein vient à peine d'être mis au parfum de l'organisation d'élections dans le pays. Selon le collectif de ses avocats, l'ex-dictateur est coupé du monde. Après avoir pris connaissance de la question, Saddam Hussein aurait appelé les Irakiens à être « unis et prudents face aux élections du 30 janvier ».