Faouzi Laatiris construit des installations au bord de la «schizophrénie culturelle». Des sortes de bombes à retardement tiraillées entre leur forme et leur fonction ; mais aussi très souvent entre monde artisanal et monde industriel. Le Musée d'art contemporain de Rabat continue son projet d'hommage à l'Ecole de Tétouan, l'une des écoles fondatrices de la modernité artistique marocaine. Il accueille cette fois-ci une exposition solo consacrée à l'artiste Faouzi Laatiris, l'une des grandes figures de l'avant-garde. Intitulée «Faouzi Laatiris: catalogue déraisonné», cette exposition se poursuit jusqu'à fin décembre. Cette exposition est ainsi la suite du projet «Volumes fugitifs: Faouzi Laatiris et l'Institut national des beaux-arts de Tétouan», dévoilée en mai 2016. Lors du premier volet, Faouzi Laatiris avait installé sept «Portes». Il s'agit d'une installation faisant symboliquement référence aux sept portes de la médina de Tétouan. Chacune présentant une installation thématique, un micro-univers guidé par la musique, l'herboristerie, le commerce, la mythologie, etc. Rejoint par une dizaine d'ex-étudiants désormais artistes confirmés, les portes de Laatiris devenaient comme des points de passage vers les œuvres de ces autres artistes (Mohamed Larbi Rahhali, Safaa Erruas, Younès Rahmoun, Batoul S'Himi, Mohssin Harraki, Mohamed Arejdal, Mustapha Akrim, Etayeb Nadif, Khalid el-Bastrioui). En effet, le deuxième volet de l'exposition reprend en fil conducteur les «Sept Portes» de Laatiris présentées auparavant. En ouvrant ces portes, on accède cette fois-ci à l'univers créatif personnel de l'artiste. «A présent, le second volet vient donner à voir toute l'étendue de l'œuvre entreprise par Faouzi Laatiris, en ajoutant aux «Portes» du premier volet différentes œuvres qui «remontent le temps» jusqu'aux années 1990, moment clé pour envisager le Maroc dans la mondialisation et l'émergence de nouvelles pratiques», explique dans ce sens Morad Montazami, curator et commissaire de ce projet. Faouzi Laatiris adepte de l'ironie et des jeux de langage Partagé entre son intérêt pour l'art moderne occidental et son rapport intime à la terre marocaine, ses traditions et savoirs vernaculaires, Faouzi Laatiris construit des installations au bord de la «schizophrénie culturelle». Des sortes de bombes à retardement tiraillées entre leur forme et leur fonction ; mais aussi très souvent entre monde artisanal et monde industriel. Des bombes qui affichent un goût prononcé de l'inachevé, dans une poétique des ruines. «La rue, le commerce, le chantier, la marchandise et la pop culture font partie de son vocabulaire primordial. Toujours à la limite entre le raffinement insoupçonné et le kitsch assumé, Laatiris se pose en architecte du chaos, adepte de l'ironie et des jeux de langage, profanateur de symboles collectifs», souligne le curator. Faouzi Laatiris développe depuis le début des années 1990 une pratique expérimentale où se croisent la sculpture, l'installation, la performance et l'espace public, avec une remarquable liberté esthétique et une constance dans l'engagement personnel. Son travail s'ancre résolument dans le contexte et les conditions de production du Maroc, plus particulièrement la région nordiste de Tétouan et Martil, au contact portuaire et historique avec l'Espagne et Gibraltar.