Face aux discours incitant à la haine et aux dérives extrémistes pourtant punissables par la loi Décidément, rien n'y fait : ceux qui s'improvisent دعاة et défenseurs de la religion au Maroc n'ont cure des appels innombrables répétitifs à la tolérance et à la modération. Cela on le savait depuis longtemps. Mais le fait qui étonne le plus aujourd'hui est ce mutisme assourdissant de ceux qui sont censés être les garants de l'application du droit et de la protection des personnes et de leur intégrité contre les dérapages, les dérives et autres menaces extrémistes. Un mutisme que l'on peut qualifier au mieux d'une complicité «passive» et au pire d'une sorte de bénédiction. C'est en tout cas, en substance, le contenu des propos du présentateur Mohammed Tijjini qui, dans son émission du 23 septembre, a interpellé le ministre de la justice, Mustapha Ramid, après avoir été la cible d'une attaque en règle de l'individu connu sous le nom d'Abou Naim. Ce dernier a récemment, en effet, dans une de ses vidéos sulfureuses, traité le présentateur de tous les noms, comme il a traité les Marocains de confession juive de khanazir, de noms d'insectes, de « moins que rien... ». Le daaiyya, dans son réquisitoire, a distribué les noms d'animaux à toute la classe politique, aux médias y compris la chaîne 2M, en puisant, au passage, dans le registre du jihadisme sanguinaire pour proférer des menaces de représailles au nom de la mission, dont il se dit investi, de défendre l'islam, le prophète et la Oumma toute entière. Si le présentateur Tijjini annonce d'emblée son intention de poursuivre en justice Abou Naim pour son propre cas, il n'en demande pas moins au ministre de la justice les raisons de son inertie face à ce qui est manifestement un discours en flagrant délit d'incitation à la haine (voire pire) tombant donc de facto dans le champ du code pénal. Or, il est de notoriété publique que pour des faits beaucoup moins graves, et parfois même futiles, le ministre de la justice ne rate aucune occasion pour rendre publiques, à travers son cabinet, de longues mises au point qui pour répondre à un article de journal, qui pour riposter aux magistrats... Mais étonnamment, au moment où un fait majeur et avéré l'interpelle en tant qu'autorité du parquet, le ministre de la justice ne semble pas prompt à exercer ses prérogatives. Une inertie qui pousse le présentateur à se poser une série de questions pour le moins embarrassantes pour le ministre de la justice en particulier et pour le PJD de manière générale. «Le mutisme de Ramid peut-il s'expliquer par le fait qu'il y a un référentiel islamique en commun et qu'il ne veut pas gêner des individus qui seraient du même bord que lui?», «Le ministre Ramid craindrait-il de perdre des voix aux élections s'il venait à prendre des mesures judiciaires contre Abou Naim?»...Telles sont les quelques questions que le présentateur Tijjini a lancées en public et auxquelles, à l'heure où nous mettions sous presse, ni le ministre de la justice ni le PJD, lui aussi interpelé indirectement, n'ont encore apporté la moindre réponse. Un silence qui en dit long et qui inquiète...