C'est en marge d'une journée d'étude organisée mercredi à Rabat par les groupes de la majorité à la Chambre des représentants que la question de la lutte contre la traite des êtres humains au Maroc a refait surface. Présent à l'événement, le président de la Chambre des conseillers, Hakim Benchamach, a émis le souhait de nommer un rapporteur national en charge du suivi de la mise en place du très controversé projet de loi n°27-14 relatif à la lutte contre la traite des êtres humains. Ce rapporteur devrait également analyser l'effet de ces législations et politiques sur les droits de l'Homme. Après le tollé suscité par le projet de loi sur la traite des êtres humains chez la société civile, notamment chez les associations féministes qui estiment que dans sa mouture actuelle, ce texte «ne constitue pas un projet de loi complet sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants», le sujet s'est de nouveau invité sur la scène. Cette fois-ci, ce sont les parlementaires qui s'y penchent. Début mai, la commission de la justice, de la législation et des droits de l'Homme à la Chambre des représentants a adopté, à l'unanimité, le projet de loi sur la lutte contre la traite des êtres humains. Un texte de loi très attendu, qui devrait permettre de combler le vide juridique et qui, même après l'apposition du Conseil de gouvernement, ne semble pas faire la joie de la société civile. Notamment l'ADFM qui appelle à ce que «les définitions nécessaires soient apportées concernant les crimes, les moyens, les buts et les auteurs comme prévu par les conventions internationales». L'ADFM, qui regrette de ne pas avoir été impliquée dans l'élaboration du texte, insiste sur l'impératif de «prévoir des dispositions de protection visant à préserver les droits de l'Homme d'une manière générale et ceux de la femme en particulier en mettant en place des mécanismes d'assistance pour les victimes et en garantissant des procès équitables pour les auteurs». Un point sur lequel est revenu le président de la Chambre des conseillers. Celui-ci n'a pas manqué d'appeler à accorder un intérêt particulier aux femmes et enfants, qui «constituent le maillon faible du système criminel de la traite des êtres humains». Il est sans rappeler à ce titre que le Maroc a ratifié il y a cinq années de cela (2011) le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes. A l'heure actuelle, les objectifs de ce protocole sont loin d'être atteints, d'autant plus qu'il est difficile d'apporter une solution définitive au phénomène. Ceci dit, il existerait un mode d'emploi rassemblant les meilleures pratiques. Et c'est là un point qui a été abordé par Benchamach qui a insisté sur une coopération internationale renforcée dans ce domaine. Il est à souligner dans ce sens que le trafic des êtres humains constitue le 3ème commerce illégal dans le monde et connaît une évolution considérable. Si l'on se base sur les données communiquées par l'Organisation internationale du travail (OIT), la traite des êtres humains représente 150 milliards de dollars de bénéfices par an, dont 99 milliards pour l'industrie du sexe. Les Etats-Unis estiment que quelque 20 millions de personnes en sont les victimes. Des chiffres appelés certainement à la hausse dans un contexte où les défis migratoires, les crimes organisés transfrontaliers et menaces terroristes mettent à mal les politiques internationales.