A l'occasion de leur premier anniversaire, l'historien Mohamed Hatimi analyse les circonstances et répercussions des attentats du 11 septembre qui ont secoué les Etats-Unis d'Amérique. La condamnation sans équivoque des attentats du 11 septembre relève à notre avis de l'évidence pure et simple. D'abord, parce que la morale musulmane et la morale tout court interdit toute action violente contre des populations civiles. Cet élément suffit à lui seul à interdire toute polémique en la matière. D'ailleurs, personne n'a revendiqué officiellement ce qui s'apparente plus à une tuerie collective qu'à autre chose. Ensuite, parce que d'un point de vue politique, il s'agit d'actes gratuits qui en aucune façon n'ont servi ni des causes arabes ni islamiques. Enfin, rappelons que la cible des attentats, les Etats-Unis, a redécouvert des sources de forces et de cohésion nationales, justement grâce à sa nouvelle croisade contre le terrorisme international. L'opinion publique américaine s'est engagée corps et âme à la lutte contre ce que les politiciens de Washington désignent du doigt à tord ou à raison. Les Américains pensent que l'essence même de la civilisation américaine, c'est-à-dire les principes de la liberté et de la démocratie, ont été visés et du coup se montrent décidés à se battre pour faire le triomphe de ce qu'ils pensent être les fondements de la grandeur de leur pays. «America in war» est depuis un an le principal support de propagande et de guerre contre toutes «les forces du mal» à travers le monde. Les Afghans en ont déjà fait les frais, les Palestiniens sont en suspens, les Irakiens sont en otages. Cette condamnation de principe mise à part, les évènements du 11 septembre ont démontré que la politique américaine dans le Moyen-Orient manque lamentablement de bon sens. Et c'est à notre avis le seul mérite des attentats. Le terrorisme version Ben Laden (peu importe si ce dernier est coupable ou non) est le produit «légitime» d'une décennie de main-mise américaine sur les affaires du Moyen-Orient. Depuis la guerre du Golfe, la gestion des divers dossiers orientaux a été guidée par le seul souci du tout sécuritaire sans aucune considération à l'amour propre que l'homme arabe a pour sa personne et aux idéaux «bédouins» ancrés dans sa culture. L'arrogance «yankee» avait fini par pousser des personnes dégoûtées par la passivité des régimes arabes à exécuter le pire des scénarios pour crier leurs rancœurs. Les kamikazes présumés sont tous originaires de pays «alliés» de Washington, des Saoudiens en majorité. Ils ont séjourné pendant de longues périodes dans les pays occidentaux et y avaient cultivé des amitiés et des relations. En outre, les Etats-Unis et ce depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale et de façon plus franche depuis la guerre des Six jours (juin 1967), mènent en Orient une politique simpliste qui consiste à traiter avec des régimes conservateurs sans nul souci de les pousser à moderniser leurs façons de gouverner et à prendre des décisions concrètes en matière du partage des richesses. Ces mêmes régimes ont longtemps joué avec le feu en encourageant des groupuscules agissants dans des pays socialisants au nom d'un wahhabisme aussi irréaliste qu'inconsistant. On le sait, ceux qui s'amusent avec le feu finissent par se brûler les doigts. Certes, l'anti-américanisme est une constante de la contestation orientale, mais depuis que les armées américaines agissent «en plein jour» sous la bénédiction de la «Communauté internationale», ferme quand il s'agit de punir un peuple arabe mais ô combien molle à l'encontre de l'Etat hébreu coupable lui de tueries et d'atteintes multiples aux plus élémentaires des droits des peuples, ce sentiment s‚est mué en une haine facile à manipuler. De toute évidence, même après les évènements du 11 septembre, Washington s'obstine à continuer à gérer les dossiers arabes de la même façon qu'auparavant, néanmoins, plusieurs alliés locaux et européens commencent à prendre leurs distances et ne veulent plus être associés à cent pour cent dans les entreprises guerrières de l'Oncle Sam. Notons enfin que les attentats du 11 septembre constituent un début, l'avènement dans nouveau genre de «terrorisme», celui des braves qui cherchent en premier lieu le martyr. Les attentats suicides apparaissent aujourd'hui comme l'arme de lutte le plus efficace que possèdent les faibles dans leur juste combat contre les géants. • Mohammed Hatimi