En termes de volume, la production d'un seul kilogramme de viande de boeuf nécessite plus de 16 kg de céréales. Au Maroc, ils sont de plus en plus nombreux à tendre vers un régime végétarien. Les plus courageux, eux, optent strictement vers un système végétalien. Dans une culture où l'on sacralise presque la viande, il est intéressant de se poser la question sur comment ces personnes-là sont perçues par leur entourage, mais surtout sur les bienfaits et conséquences de ce choix. Tour d'horizon d'une tendance noyée de clichés. Si dans le temps, nos aïeuls se suffisaient d'une petite quantité de viande, aujourd'hui les diktats de l'industrie agroalimentaire font en sorte que cet élément soit indissociable de notre quotidien. «Au Maroc, la notion du végétarisme reste difficilement acceptée. On nous voit comme des extraterrestres et on ne comprend pas pourquoi quelqu'un de sensé se priverait de la viande», nous confie Sajid Ammor, adepte de ce régime depuis douze années déjà. Selon lui, si ce choix est mal assimilé en société, c'est parce que le Maroc a une longue histoire avec la famine. «En cas de perte de la campagne agricole, d'invasion de criquets ou de sauterelles, le bétail était considéré comme étant une sécurité alimentaire. La viande était l'issue. Elle était également, et est toujours, signe de richesse», estime-t-il. Il est à noter cependant que depuis le temps, la consommation de viande a pris des proportions inquiétantes. Depuis 1950, avec l'industrialisation de la production de viande, la population mondiale en mange cinq fois plus. «En Inde, qui est constituée de 50% de végétariens, on voit de plus en plus de monde se diriger vers la viande. C'est par logique de capitalisme. l'industrie agroalimentaire a basculé cette donne», s'inquiète ce jeune qui est à l'origine du Reggae Soup, un événement organisé depuis 3 ans à Casablanca et destiné à la promotion de la culture végétarienne. Si certains rompent avec les viandes, c'est par réticence quant à l'alimentation de bétails. «On ne mange plus de la viande, ce sont des OGM», note la même source. Ce qui inquiète toutefois à propos de ce régime, c'est le grand risque de carences en protéines (voir l'entretien de Bouchra Amsaguine Aouni). Au Maroc, il est difficile pour la communauté végétarienne de trouver des produits qui lui sont destinés. Celle-ci doit donc apprendre à équilibrer son alimentation et à s'assurer un apport quotidien suffisant en combinant les bons éléments. «Au début, il est difficile de s'adapter à ce mode d'alimentation. La transition n'est pas simple mais on finit par totalement l'accepter», ajoute Sajid en précisant que depuis qu'il a été initié à cette culture, il se sent beaucoup plus en «harmonie avec la terre». Sur ce point, il est important de relever l'important coût environnemental de la production de viande. Pour certains, si l'on se tourne vers le végétarisme par choix ou par prise de conscience aujourd'hui, on ne tardera pas à adopter ce régime par obligation pour des raisons de santé mais surtout pour celles écologiques. Cette réflexion s'étend beaucoup plus loin que ça et estime que l'alimentation à base de viande constitue la manière la plus efficace de gaspiller la nourriture. En termes de volume en effet, pour produire 1 kg de viande de boeuf, il faut 16 kg de céréales. Sur un portail consacré au végétalisme on précise que «si le monde entier devenait végétarien, la Terre pourrait facilement nourrir 15 milliards de personnes. Soit plus du double de la population mondiale actuelle». L'inverse serait sans doute plus redoutable. Somme toute, il ne fait peut-être pas bon être végétarien au Maroc mais la question d'un rééquilibrage alimentaire s'impose. Pour la diététicienne et nutritionniste Bouchra Amsaguine, «les supermarchés ne proposent pas des produits destinés aux végétariens et «imposent» en même temps un large choix de produits. Quand on est conscient de la chose, on commence à se poser la question, récupérer son self-control. On n'achète pas des choses juste parce qu'elles sont bien emballées et que les couleurs sont jolies. Le marketing et les publicités existent pour cela. Il faut savoir ce qu'on fait subir à notre corps quelle que soit la direction qu'on veut prendre, végétalien, végétarien ou autre».