A la veille de la présentation des programmes économiques des partis politiques, Mohammed Tawfik Mouline, directeur de la politique économique générale au ministère des Finances, estime primordial d'accorder une attention particulière à la question du financement des stratégies et des réformes envisagées. ALM : L'année 2002 arrive à son terme, comment s'annonce l'exercice 2003 sur le plan économique ? Mohammed Tawfik Mouline : Malgré un contexte international marqué par le ralentissement de l'économie mondiale, l'économie nationale enregistrera une croissance de l'ordre de 4,5% en 2002, avec une inflation qui sera comprise entre 2 et 2,5%. L'emploi continuera à s'améliorer ainsi que les indicateurs socio-économiques. La balance des paiements courants dégagera un solde excédentaire en 2002 de l'ordre de 2% du PIB. Pour l'exercice 2003, la croissance économique sera de 4,5%, si la production céréalière excède 55 millions de quintaux. L'inflation devra revenir à 2% et l'équilibre de la balance des paiements courants restera assuré. Le rapport économique et financier du projet de loi de Finances 2003, donnera les prévisions détaillées pour 2003 aussi bien au niveau économique que sur le plan des finances publiques. Quelle appréciation portez-vous sur le bilan économique durant ces dernières années ? La politique économique poursuivie par le Maroc depuis de nombreuses années réside dans la stabilisation du cadre macro- économique. Elle a permis de maîtriser les équilibres internes et externes et faire du Royaume un chantier de réformes visant l'amélioration de l'environnement économique et financier du pays. Ce chantier mérite d'être poursuivi en s'attaquant aux réformes de seconde génération, qui sont les plus difficiles à entreprendre, telle la réforme de l'administration, de la justice et du code du travail. La consolidation à l'avenir de la situation macro-économique nécessité impérativement de relever le défi de la croissance économique en augmentant sensiblement et particulièrement la productivité globale des facteurs grâce à une mise à niveau de l'ensemble de l'économie. A ce sujet, le positionnement de l'économie marocaine dans son cycle de croissance montre que le Maroc est entré dans une phase caractérisée par une reprise depuis 1996. C'est ce qui ressort de l'analyse de l'évolution du PIB tendanciel au cours de ces dernières années . Cette situation s'explique par une amélioration de la productivité du travail et par l'accumulation du capital sur la période 1996-2001. Celle-ci s'est accompagnée d'une substitution marquée du capital au travail. La reprise de la croissance économique est également due au dynamisme de certains secteurs porteurs de l'économie marocaine tels que le tourisme, le BTP, les phosphates, le commerce et les télécommunications. Dans quelle mesure les programmes économiques présentés par les partis politiques seront-ils réalisables ? Les programmes des partis seront annoncés incessamment en liaison avec la campagne électorale. Avant leur publication, il importe que ces programmes dégagent au profit des acteurs économiques et des citoyens une vision claire à moyen et long termes tout en hiérarchisant les priorités, en déclinant les orientations générales en plans d'actions précis et en mettant en exergue les réformes prioritaires. De même, il est primordial d'accorder une attention particulière à la question du financement des stratégies et des réformes envisagées. Sur le plan de la conduite de la politique économique, il y a lieu d'être plus réactif à l'évolution de l'environnement national et international. A votre avis, le contexte économique continuera-t-il à imposer des lois de Finances élaborées sur la base du respect des équilibres fondamentaux, prônés par les gouvernements précédents malgré que cette approche ait atteint ses limites? Le respect des équilibres fondamentaux est absolument nécessaire dans la mesure où il est difficile d'avoir une croissance économique durable dans un contexte de déficit extérieur élevé. Celui-ci aggrave l'inflation et réduit les disponibilités financières laissées aux entreprises, ce qui a forcément des répercussions négatives sur la croissance économique. Ainsi, il faudra poursuivre le renforcement de l'équilibre des finances publiques tout en opérant une véritable réforme de l'administration pour l'adapter au nouveau rôle régulateur-facilitateur-accompagnateur de l'Etat et pour le préparer à la perspective de libre-échange. Parallèlement, il convient de définir des stratégies à long terme sur le plan macro-économique, sectoriel et social, de développer les partenariats publics-privés, d'accéder à des réformes structurelles et de valoriser le capital humain en vue de pérenniser la croissance économique. Selon certains économistes, l'expansion des dépenses publiques en matière d'infrastructures et de la formation du capital humain est nécessaire, même financée par le déficit. Un tel raisonnement vous semble-t-il valable ? Le développement des infrastructures et la formation du capital humain ne produisent leurs effets sur l'économie et le social qu'à très long terme. De ce fait, ils ne peuvent pas être financés exclusivement par le déficit qui lui a des impacts immédiats et à court terme sur la croissance économique et le bien-être social. Et comme n'importe quel projet, le développement de l'infrastructure et la valorisation du capital humain méritent d'avoir un financement optimal pour la collectivité nationale. Si pour la formation du capital humain, une part élevée du financement provient du budget de l'Etat, pour les infrastructures, il faut envisager également d'autres sources de financement et en particulier les concessions. Pour ce faire, un cadre juridique approprié pour ces concessions est requis. • Propos recueillis par Imane Azmi et Mohamed Douyeb