Après des années de gel, la Koutla démocratique devient de plus en plus un événement qui appartient au passé. La bataille électorale actuelle entre ses différentes composantes en témoigne. En avril 1992, lors de la création de la Koutla démocratique ( bloc démocratique), une appellation qui la distingue de celle dite nationale des années 70, le Maroc entamait le début d'une phase de concertation politique qui allait s'avérer irréversible. Au niveau international, le monde venait d'enterrer l'ère de la guerre froide et de la bipolarisation est-ouest. Sur le plan national, le Maroc venait d'inaugurer une nouvelle dynamique d'ouverture. A double sens. Depuis 1990, notamment après les émeutes du 14 décembre 1990, déclenchées suite à la déclaration d'une grève générale à laquelle ont appelé la CDT (Confédération démocratique du travail) et l'UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc), les partis de l'opposition à l'époque (l'USFP, le Parti de l'Istiqlal, le PPS et l'OADP) et les pouvoirs publics sont arrivés à une seule conclusion, à savoir qu'il faudrait amorcer un changement au niveau des rapports entre l'Etat et la société civile. Dès la mise en place de certaines structures de dialogue, notamment le CCDH (Conseil consultatif des droits de l'homme), le CNJA (Conseil national de la Jeunesse et de l'avenir) et suite à un message royal, feu Abderrahim Bouabid et M'Hamed Boucetta ont adressé un mémorandum au défunt S.M. Hassan II. Au mois d'avril, l'Istiqlal et l'USFP, en plus du PPS ont intégré en intégré en leur sein, l'OADP et l'UNFP. La participation de cette dernière formation a fait long feu. Dès les élections communales de 1992, les amis Abdellah Ibrahim ont vite regagné leur hibernation. L'OADP, qui devrait bénéficier de cette ouverture, a préféré se retirer de la course vers les communales pour reprendre de plus belle au niveau des législatives. Son boycott du référendum de 1996 allait lui coûter cher et provoquer sa division. Deux années plus tard, Abderrahman Youssoufi entame des négociations avec le palais et constitue le gouvernement de l'alternance avec deux partis de la Koutla et d'autres partenaires. Depuis lors, USFP inscrit sa démarche dans une logique qui rompt avec le passé. Ejectée de fait, l'OADP se retourne vers ses alliés d'antan et finit, par la suite à créer, avec d'autres formations de la gauche radicale, le parti de la Gauche socialiste unifiée. D'un autre côté, non satisfait du nombre de sièges au gouvernement, le Parti de Abbas El Fassi adopte une position originale de «soutien critique», comme le Parti de la justice et du développement, au début du mandat de l'actuelle législature. Ainsi, hormis quelques rares rencontres de courtoisies, la Koutla a perdu sa raison d'être. Après avoir perdu son âme. La GSU n'a nullement l'intention d'inscrire sa démarche dans une logique participationniste, alors que l'Istiqlal estime qu'il est temps pour lui de passer aux commandes de l'Exécutif. Seul le PPS est resté fidèle à ses positions de départ, mais tout en apportant avec lui un nouveau partenaire, le Parti socialiste démocrate (PSD). Sur le terrain, depuis 1984, jamais les chefs des quatre partis de la Koutla n'avaient de concurrents aux élections législatives dans leur circonscription appartenant à cette coalition. La tradition voulait qu'on balise le terrain aux chefs pour accéder au Parlement. Or, cette fois-ci chacun pour soi, Dieu pour tous.