Pour leurs intérêts stratégiques et économiques, la Russie et plusieurs pays occidentaux rejettent l'option militaire américaine contre Bagdad. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, appelle à une action rapide pour éviter une frappe contre l'Irak et pour faire aboutir le dialogue entre Bagdad et les Nations Unies pour le retour rapide des inspecteurs en désarmement. La réunion ministérielle de la Ligue au cours de laquelle cet appel a été lancé fait suite à celle du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui a réitéré son attachement à la décision du sommet arabe de Beyrouth, rejetant toute attaque militaire contre un quelconque pays islamique ou arabe, dont l'Irak, et son appel à Bagdad d'accepter le retour des inspecteurs internationaux pour éviter une telle action. A travers cette réaction, le CCG réaffirme ses positions constantes sur la nécessité pour l'Irak d'appliquer l'ensemble des résolutions du Conseil de Sécurité relatives notamment à la libération des détenus koweïtiens et des ressortissants d'autres pays.En réaction à cette prise de position, l'Irak a rendu hier hommage aux monarchies du Golfe pour avoir exprimé collectivement leur solidarité avec Bagdad : «Le CCG a adopté une position respéctable que les Arabes pourront promouvoir dans leurs relations internationales. Cette attitude jette les bases d'une entente collective panarabe», écrit le quotidien Babel,dirigé par Oudaï Saddam Hussein,le fils aîné du président irakien. De son côté, le ministre irakien des Affaires étrangères, Naji Sabri, en visite en Egypte, a souligné que son pays rejette toute menace ou pression américaine et défendu la direction de Saddam Hussein qui a été élu par le peuple irakien. «Le président Saddam a été élu par une grande majorité du peuple irakien, et ce dernier lui a apporté plus de soutien encore lorsqu'on tentait de l'intimider», a-t-il déclaré. La Turquie, pays frontalier, a mis en garde , par la voix de son ministre des Affaires étrangères, les Etats-Unis contre l'impact négatif qu'aurait dans la région une éventuelle frappe contre l'Irak. «Bien qu'ayant des relations de partenariat stratégique avec les Etats-Unis, nous avons aussi des devoirs en tant qu'amis et nous devons prévenir nos alliés de l'impact qu'aurait une telle action dans la région», a dit le ministre. En réponse à la question d'un journaliste, il a précisé que «l'intégrité territoriale de tout Etat de la région ne devrait pas être remise en question». De son côté, la Russie s'est félicitée hier de la reprise du dialogue entre l'Irak et l'ONU pour régler par les moyens pacifiques la crise,indique le ministère russe des Affaires étrangères. Rappelons que Moscou prône un règlement politique de la situation actuelle. La Russie, allié traditionnel, avec qui elle s'apprête à signer un partenariat commercial de 40 milliards de dollars, s'est toujours opposée à toute intervention militaire américaine contre Saddam Hussein. Les intérêts russes en Irak sont connus. La Russie est le principal partenaire de Bagdad dans le programme pétrole contre nourriture et des compagnies comme Loukoil et Yukps lorgnent sur les champs pétrolifères irakiens. L'Irak, de plus, a contracté depuis l'époque de l'Union soviétique une dette de 7 milliards de dollars que Bagdad promet de rembourser dès la levée des sanctions internationales». Ce pragmatisme permet aux Russes de flirter également sans complexe avec les autres composantes de l'axe du mal, identifiées par Washington (Iran et Corée du Nord), au risque de s'attirer les foudres de l'administration Bush. Ce risque de brouille ne semble pas empêcher les dirigeants moscovites de dormir.