Dans la phase de transition actuelle, le Maroc doit arrêter de créer des riches et s'employer sérieusement à produire de la richesse. C'est le seul et unique chemin pour une croissance soutenue et durable. Les partis politiques n'ont pas encore livré leurs programmes de gouvernement si tant ils en ont. Avec l'affaire des têtes de listes, ils ont perdu la tête. La CGEM, elle, n'a pas attendu la veille des élections pour coucher noir sur blanc les contours d'un Maroc “prospère au développement harmonieux“ qui dégage “une existence digne pour tous“ et où il n'y a pas de place pour des “emplois artificiels“. Le document du patronat, qui se veut une contribution à la définition d'une politique de croissance soutenue, ne manque pas de pistes de réflexion intéressantes. La CGEM qui s'érige donc en force de proposition. L'exercice est utile, voire nécessaire. Mais il en faut plus que des professions de foi pour mettre en place les circuits d'une économie digne de ce nom. Le problème majeur du Maroc reste la crise de confiance même si le gouvernement actuel a tenté d'instaurer un nouveau climat entre la communauté des affaires et des pouvoirs publics. D'ailleurs, l'équipe de la CGEM avait salué l'avènement du gouvernement d'alternance comme étant un facteur positif pour la gestion des dossiers du pays. Or, ce gouvernement pour se rapprocher des opérateurs économiques a fait ce qu'il ne fallait pas faire : accorder des amnisties fiscales et sociales comme l'avaient fait les gouvernements précédents. Même si ce genre de mesures exceptionnelles sont présentées comme un moyen pour permettre aux entreprises d'investir, cela sonne en fait après coup comme des privilèges accordées à des patrons déjà riches. On n'instaure pas la confiance à coups de cadeaux de ce type. Le Maroc a besoin, dans la phase cruciale actuelle de sa la transition, de rapports arqués du sceau de la normalité. Les efforts consentis par le gouvernement ont été vite rattrapés par la réalité de larges pans du tissu économique national : le rapport de la deuxième Chambre sur la CNSS a montré au grand jour un aspect que l'on savait déjà : la plupart des entreprises ne versaient pas les cotisations sociales de leurs employés. Dans son programme, la CGEM explique à juste titre que “entre l'État et les entreprises doivent exister une complicité et une connivence fortes, les deux oeuvrant pour le développement économique et social, c'est-à-dire la création d'emplois et de richesses“. C'est ce que les rédacteurs du document appellent un État “coach“. Le Maroc a besoin d'abord que ces hommes d'affaires investissent dans des secteurs vraiment porteurs comme le tourisme et abandonnent l'esprit mercantile et les projets où le gain et rapide et facile. Des investissements productifs qui par essence comportent une marge du risque. En un mot, le pays doit pouvoir assainir l'environnement économique, en revenant à des relations objectives à tous les niveaux et en arrêtant de créer des riches. C'est ce que le Royaume a surtout produit au cours des trois dernières décennies. Un pays se développe par sa capacité à créer des richesses : le vrai et seul chemin d'une croissance durable et soutenue. • A.C.s