Au nom de l'ambition de faire le trop-plein de sièges, le MP de Mohand Laenser est prêt à donner l'investiture à n'importe qui. Le cas Kemmou, rejeté par l'UC et adoubé par le MP, est on ne peut plus significatif. Le Mouvement populaire, toute appétence dehors, ne tend que vers un seul objectif : récolter le maximum de sièges au terme du scrutin législatif de septembre. Obtenir une majorité confortable qui lui permet sinon de former le gouvernement, du moins d'en faire partie. Dans cette course effrénée, le MP donne l'impression d'être peu regardant sur la qualité du profil de ses candidats. Une attitude qui s'accommode de tous les arrangements et de tous les faux-semblants. Sinon, comment expliquer l'investiture par le parti d'un homme notoirement casserolé : Mohamed Kemmou, candidat MP, à la circonscription de Hay Hassani dont il est député sortant après avoir engagé les élections précédentes sous la bannière de l'UC ? Rejeté par son parti d'origine, il a été adoubé par le MP. La belle affaire. Il est vrai que les symboles de l'impéritie locale et les élus prébendiers peuplent l'ensemble des partis politiques. Mais certains, il faut le reconnaître, sonnent plus fort que d'autres dans l'imaginaire populaire. Du côté du mouvement, si on assume comme on peut la candidature Kemmou, on dément avoir accordé l'investiture à Abdesslam Kouider, ex-député UC de Casablanca, président actuel de la commune de Sidi Othmane au nom de l'Istiqlal. “ Notre souci premier est de gagner les élections et d'être aux manettes, se justifie une figure du parti. Une fois cet objectif acquis, un Kemmou ne figurera pas du tout sur la liste de nos ministrables“. Ouf, on est rassuré. Mais l'intéressé n'a jamais cherché à faire une carrière ministérielle. Le personnage connaît et se connaît. Homme qui adore plus l'ombre que les sunlights, il a juste besoin de se maintenir dans la dynamique politique. C'est son obsession, sa hantise. Car quand on arrête de pédaler, on risque de tomber. Question d'équilibre. Son strapontin à Hay Hassani, l'ex-véritable patron de la communauté urbaine de Casablanca, qui passe pour être un expert en élections, a de fortes chances de le reconquérir. Mais les militants du MP sont très gênés aux entournures par la candidature Kemmou. À tendre l'oreille, on surprend des chuchotements désagréables… Quel massacre en effet pour l'image d'un mouvement qui s'en est toujours soucié jusqu'à présent. Sacrifier la réputation de tout un parti pour gagner un député (dépité) de plus, c'est la nouvelle science infuse électorale inventée par le MP. Faire donc le trop-plein des sièges, voilà ce qui fait courir Mohand Laenser. Damer le pion à l'USFP, à l'Istiqlal, au PJD et aux autres. Quitte à donner son onction à tous les pourris en mal de recyclage pour accéder au pinacle. On ne connaissait pas le leader du MP sous cet aspect. Le calcul du boutiquier. Le saint ami des sans-odeurs de sainteté… En tout cas, M. Laenser doit commencer par expliquer la valeur ajoutée politique d'un Kemmou à ses électeurs dans son fief à Boulemane. Le candidat recyclé est connu partout jusque dans les villages et les douars les plus reculés. Une anti-star de la politique à la marocaine. La destitution de ce dernier au cours de l'an 2000 pour mauvaise gestion par le ministère de l'Intérieur de la présidence de la commune de Hay-Hassani avait fait le tour du pays. Tout comme l'invalidation de son mandat de député qu'il a réussi à reconquérir sans coup férir. On ne se débarrasse pas facilement de ce natif de Figuig, qui a fait ses premières armes à l'UNFP avant de passer de l'autre (bon) côté de la barrière avec l'UC naissante en 1983 de Maâti Bouabid. Le Parlement, il s'y accroche comme à une planche du salut. Cet instituteur de formation, à l'esprit madré, au visage impassible, a touillé comme de la mélasse des années durant le territoire de Hay-Hassani. En face de lui, les autres candidats, les Karam, Firdaous et autres Belhaj auront fort à faire pour saisir, l'espace d'une campagne électorale, les ressorts du succès législatif. Et de toucher le philtre qui transforme un bulletin de vote…en or parlementaire.