Brahim, 36 ans, est un MRE vivant en Allemagne. Il tombe amoureux de Saïda, 22 ans, une fille de son douar natal, Chtouka Aït Baha. Seulement, la tante, qui veille sur elle après la mort de sa mère, refuse de la lui donner en mariage…Il la tue ! Eté 2001. Brahim quitte Frankfort, en Allemagne, à destination de Chtouka Aït Baha, au Maroc. Il y vient pratiquement chaque année pour rendre visite à sa famille. Mais le retour de cette année est un peu particulier. Pour la simple raison qu'il rêve de mettre un terme à son célibat. Il pense retourner cette fois à Frankfort avec un acte de mariage pour entamer la procédure nécessaire afin que sa future femme puisse le rejoindre le plus tôt possible. Ce rêve lui donne un autre souffle, au point qu'il ne pense lâcher le volant qu'une fois arrivé au Maroc. D'abord, la route lui semble plus longue que d'habitude, comme si elle avait été rallongée. Mais la joie qui règne dans son cœur lui facilite la conduite qu'il pratique avec un grand plaisir. «Pourquoi suis-je plus joyeux que d'habitude ? oui je suis très heureux au point que je souhaite que ma joie soit une maladie contagieuse afin que tout le monde soit content sur cette planète», se disait-il avec un grand sourire qui illuminait son visage. Il va unir son destin à Saïda, celle qu'il aime de tout son cœur, celle qui va accompagner son parcours à Frankfort avant de retourner un jour définitivement au pays avec lui. Saïda est une belle fille de vingt-deux ans qu'il a rencontrée un jour dans une fête familiale. Il se souvient de ce jour qui restera gravé dans sa mémoire. C'était en été 2000, lors des cérémonies du mariage d'un couple du douar. Brahim y assistait. Saïda y était également en compagnie de sa mère. Elle est orpheline de père. Quand elle rejoint ses amies pour danser, Brahim est tout retourné. C'est comme si un courant électrique lui avait traversé les veines. Il est resté bouche-bée devant elle, devant son allure, sa taille svelte et sa beauté. Et bien qu'il soit de nature timide, il s'est levé pour danser un prétexte pour s'approcher d'elle, pour profiter de l'occasion et lui parler. L'intuition d'une femme ne la trompe jamais. Saïda se rend compte de sa manœuvre, de son cœur qui bat la chamade, de sa perturbation quand elle danse. Elle continue à danser et en même temps à rêver qu'il soit à elle. Au moins il la sauvera de l'oisiveté de son douar, il l'emmènera au paradis, Frankfort, où il la traitera comme une princesse. Toutes les filles du douar rêvent d'avoir un mari comme Brahim un jeune de trente-six ans, bien élevé, bien éduqué, timide, généreux. Ils se rapprochent quand ils dansent. Il lui chuchote un mot à l'oreille. «Elle l'a exhumé de sa timidité», chuchote une invitée à sa voisine qui attire son attention. Brahim et Saïda ne se rendent pas compte des curieux, ils ne s'intéressent qu'à eux. Ils s'isolent dans un coin hors de la tente caïdale. «…Tu sais que je suis très timide et pourtant tu m'as enhardi et poussé à te parler devant tout le monde…Tu es très belle et tu as ébranlé mon cœur…Je ne te parle pas comme un garçon qui veut passer son temps ou un immigré qui veut passer ses vacances avec une fille…Non, je crois que tu me connais, comme tous les habitants du douar…je n'aime pas les jeux d'enfants…je veux que tu sois mon épouse…», lui dit-il. Il ne sait pas d'où lui sont venus tous ces mots et où est passée sa timidité. Les mots coulent de sa bouche comme une cascade. Saïda se contente d'écouter, de lever de temps en temps les yeux vers les siens, de lui jeter d'un moment à l'autre un regard comme si elle tentait de mettre à jour sa sincérité. «…Que penses-tu de ce que je t'ai dit Saïda ? » lui demande-t-il. Elle garde le silence. Mais il insiste pour qu'elle réponde. «…Je ne peux rien te dire…Seule ma mère pourra te répondre…», rétorque-t-elle sans lever les yeux. «…Je vais lui parler demain Incha Allah…», lui affirme-t-il. «…Je reviendrai l'année prochaine pour me marier avec Saïda, d'accord ?», demande-t-il à la mère de sa bien-aimée. Elle ne manifeste aucun refus ou opposition. Brahim retourne à Frankfort plein de joie et Saïda attend son retour avec impatience. Seulement, la mère de Saïda décède et celle-ci est perturbée, ne sachant plus quoi faire. «…Je t'aime toujours, je sais que tu es restée seule, mais Dieu est avec toi et je serais Incha Allah à côté de vous l'été prochain pour t'épouser», lui dit-il dans une lettre qu'elle a apprise par cœur. Quand arrive l' été 2001, il rejoint Saïda. Ils discutent tellement qu'ils se disent tout en une journée. Il lui a parlé de son travail, de sa vie, de ses fréquentations, de ses projets…et elle lui a parlé de la mort de sa mère, de sa solitude, de sa tante cruelle et méchante, de sa souffrance, des yeux des jeunes du douar qui lui jettent des regards pleins de concupiscence …etc. «…Demain je vais voir ta tante pour mettre les points sur les «i» afin qu'on se marie… » Le lendemain, Brahim se rend chez la tante de Saïda. Il lui parle de son projet avec Saïda. «Il n'y a pas de mariage avec ma fille Saïda», lui dit-elle d'un ton nerveux et agressif. «Mais j'ai déjà parlé avec sa mère avant sa mort et elle était d'accord, pourquoi agir ainsi ?», lui demande-t-il. Elle ne lui répond pas, se contentant de lui demander de ne plus revenir chez elle et de laisser sa «fille» tranquille. Malgré les interventions des habitants du douar, la tante était ferme dans sa décision. «On doit la liquider», décide-t-il. Saïda ne réfléchit pas avant d'accepter la proposition. «C'est la seule solution pour qu'on puisse rester ensemble», lui affirme-t-il. Ils se sont mis d'accord sur la méthode, qu'ils mettent à exécution. Elle lui ouvre la porte sans attirer l'attention de sa tante qui dort. Il entre avec un coutelas à la main. Une fois près du lit de la tante, il n'hésite pas une seconde pour lui asséner un coup au niveau de la tête. Mais elle sursaute de sa place en criant. La voix arrive aux voisins qui viennent sur-le-champ. Ils voient Brahim, le coutelas à la main, et Saïda qui le suit. Les gendarmes sont alertés et le couple est arrêté. Brahim et Saïda attendent actuellement leur jugement.