Malgré les pressions amicales de ses amis politiques, il ne compte pas se présenter aux élections. À 78 ans, le chef du gouvernement aspire probablement à une retraite politique largement méritée. Malgré les pressions amicales de certains de son entourage, le chef ne se présentera pas aux prochaines législatives de septembre 2002. Abderrahmane Youssoufi en a décidé ainsi. Et pourtant, c'aurait été l'occasion pour celui qui n'a jamais brigué les suffrages de ses concitoyens de s'essayer à cet exercice politique d'autant plus passionnant qu'il aura lieu pour la première fois sous les signes du changement : un mode de scrutin nouveau (la liste) dont il est lui-même à la fois l'initiateur et le défenseur, un contexte nouveau prometteur de tous les espoirs et la détermination sans cesse proclamée de faire de ces élections le reflet sincère de la volonté populaire . Toutes les circonscriptions du pays sont à lui. Il n'aurait que l'embarras du choix. Parions que, la mariée du nord, Tanger, son fief natal, aurait été la favorite, la reine de son cœur. Non pas que le Premier secrétaire de l'USFP s'estime au-dessus des lois de la pesanteur électorale et du suffrage universel mais il voit dans les prochaines échéances le couronnement de sa “mission historique“ de premier Premier ministre de l'alternance. Une seule ambition l'habite : la réussite de la transition démocratique. Passer le témoin, la conscience tranquille, avec le sentiment du devoir accompli. C'est ainsi que se vit Abderrahmane Youssoufi. Et pas autrement. Ce n'est pas un obsédé du pouvoir, le pouvoir pour soi, le genre qui se complaît dans l'apparat ministériel. À 78 ans, le chef du gouvernement, à moins d'un nouvel appel du devoir, aspire probablement à une retraite politique largement méritée. Celui qui n'a pas abandonné ses habitudes-il se fait toujours conduire par son chauffeur dans sa voiture personnelle pour se rendre par exemple chez son coiffeur attitré à Casablanca- entend vivre dans cette ville. Ce qui ne l'empêchera pas de faire des allers-retours entre sa ville d'adoption, Cannes et la capitale économique. Ici, il compte acheter un petit appartement-si ce n'est déjà fait- qu'il financera par le produit de la vente de sa maison de la Rue Point du Jour. Une villa ouverte à tout le monde où il s'était installé après son retour au bercail en 1997. Et où, en attendant d'être appelé par feu Hassan II à former le cabinet d'alternance consensuelle, il recevait autour d'un thé à la menthe, amis politiques, journalistes et simples anonymes. Abderrahmane Youssoufi parle peu. Mais il a un silence éloquent doublé d'une faculté d'écoute énorme. Il ne retient que ce qui l'intéresse même s'il donne parfois l'impression d'être distrait. Il faut lire dans ses yeux pour comprendre. Lorsque les paupières de M. Youssoufi se plissent légèrement comme s'il était gagné soudainement par un début de somnolence irrésistible, c'est le signe que son interlocuteur l'ennuie par sa conversation. Ce langage subtil lui évite de froisser son vis-à-vis. Par contre, si les paroles de ce même interlocuteur éveillent sa curiosité, regardez alors les sourcils de M. Youssoufi : ils frémissent d'intérêt, font même des battements discrets et rapides comme s'il en redemandait. Tel est Abderrahmane Youssoufi. À défaut d'être exubérant, il sait ressentir à sa manière des goûts et des dégoûts.