Le Premier ministre, Abderrahman Youssoufi, a présenté le bilan de son gouvernement. Un acte qui est le dernier en son genre pour le Premier ministre. Depuis sa constitution, le gouvernement s'est doté d'une mission politique qui transcende la durée de son mandat pour s'inscrire dans une perspective plus large qui est celle de la démocratisation progressive du pays. Inutile de rappeler que l'aspect politique constitue l'ossature de l'expérience en cours. Car, depuis le 20 mai 1960, le Maroc n'a pas connu de gouvernement politique. C'est donc une réconciliation avec l'action partisane, en général, et le mouvement national, en particulier, du moins avec une de ses composantes qui a vécu dans l'opposition. Bien entendu, après quatre années de gouvernance, il y a lieu de s'interroger sur les autres aspects de ce bilan, lesquels aspects sont détaillés dans le rapport -bilan de la Primature. En dépit des points positifs qui caractérisent l'action actuelle de l'Exécutif, il y a tout de même bon nombre de dysfonctionnements à relever. Au vu des différentes déclarations des responsables gouvernementaux, l'observateur profane a l'impression que le gouvernement de l'alternance est politiquement orphelin. En effet, personne ne le défend y compris ceux qui le composent. Dans les rangs de la majorité, l'Istiqlal se complaît dans sa position de soutien critique, une position plus critique que solidaire. Le RNI ( Rassemblement national des indépendants) et son président Ahmed Osman ainsi que le ( MNP) Mouvement national populaire de Mahjoubi Aherdane, adoptent des points de vue également critiques vis- à-vis de l'Exécutif. Les autres partis, notamment le PPS ( Parti du progrès et du socialisme), le PSD (le Parti socialiste démocrate) et le FFD (Front des forces démocratique) ne sont pas très influents pour véhiculer leurs discours parmi les larges franges de la population. D'autres formations qui préconisaient le soutien critique au début du mandat du gouvernement, ont préféré, par la suite, se situer aux fronts du refus. Le PJD (Parti de la justice et du développement ) a rejoint l'opposition de droite et l'OADP ( Organisation de l'action démocratique populaire) a regagné son espace radical auprès des gauchistes. Finalement, il ne reste plus que l'USFP, le Parti de Abderrahman Youssoufi, pour s'ériger en tant que défenseur du bilan de l'alternance. Mais, en dépit de leur bonne volonté, les socialistes ont connu des moments difficiles qui se sont soldés par des scissions qui auront sans doute des répercussions sur leur rayonnement au sein de la société et qui vont probablement influer sur le verdict des urnes lors des prochaines élections. Le tableau des déchirures est on ne peut plus saignant : la CDT (Confédération démocratique du travail) est divisée, sa direction, ou du moins ses éléments les plus importants, ont quitté l'USFP pour créer leur propre appareil politique. La jeunesse ittihadia, quant à elle, n'a résolu ses problèmes de gestions que par le départ collectif des membres de l'ancien Bureau national de cette organisation, dont la plus part sont restés liés au trio Mohamed Sassi, Najib Akesbi et Khalid Soufiani. Trop de gâchis diront certains militants, et ce alors qu'il suffisait de quelques simples gestes pour que les choses reprennent leur cours normal, comme c'est le cas pour Mohamed Habib Forkani, membre fondateur de l'UNFP. Bref, autant de blessures avec qui faudrait vivre avec, en attendant des jours meilleurs ; et se sachant que ces nouveaux adversaires sont plus féroces que ceux dits classiques, comme les organisations de l'opposition. Mais là où le bat blesse, pour bon nombre de membres de l'USFP, c'est qu'au moment où la direction parle de l'association des masses à la gestion des affaires publiques, les cadres mêmes de ce parti sont écartés du débat sur l'action de leurs ministères. A aucun moment, il n'y a eu une discussion réelle au sein du parti sur les lois de finances aussi bien en amant qu'en aval de l'adoption des budgets. Plus encore, jusqu'à nos jours, il n'y a jamais eu de rencontre entre les chefs de cabinets des différents ministres. Chacun agit de manière isolée, sous contrôle formel du Premier ministre. Mais, est-ce suffisant pour condamner cette expérience ? Certainement pas.