La rencontre avec les poètes espagnols a eu lieu samedi dernier. L'Espagne n'avait pas encore retiré ses troupes de l'îlot. Les poètes étaient présents pour parler de poésie. Mais l'actualité politique les a surpris. La rencontre avec les poètes espagnols a eu lieu samedi dernier. L'Espagne n'avait pas encore retiré ses troupes de l'îlot. Les poètes étaient présents pour parler de poésie. Mais l'actualité politique les a surpris. Comment parler de poésie alors que l'Espagne avait mobilisé une armada impressionnante pour occuper un rocher marocain ? La littérature a été très vite contaminée par la situation politique. La même question revenait, avec l'espoir que les poètes espagnols prennent la position du bon sens et de la justice. Les quatre poètes viennent de régions différentes en Espagne. David Castillo est le plus connu. Il est Catalan, aime le Maroc, puisque le roman qui lui a valu le prix Saint Jordi, l'équivalent du Goncourt en Espagne, a pour sujet justement notre pays. Sa position est sans équivoque à l'égard du conflit : il condamne la politique d'Aznar. Il y a aussi un poète galicien qui écrit dans la langue de sa région : Luis Tosar. Même s'il est consterné par l'intervention militaire de son pays, il lui trouve des justifications. Sans crier gare, il a dit que le problème de la pêche touche directement sa région. « La flotte galicienne est la plus importante en Espagne. La vie de plusieurs familles dépend de l'attitude du gouvernement marocain vis-à-vis de ce dossier ». À la question pourquoi établir un lien entre Leïla et la pêche, il a répondu : « derrière tout conflit, il y a des difficultés qui n'ont pas été résolues, et le problème de la pêche est le vrai problème entre le Maroc et l'Espagne ». José Ramon Trujillo, poète et critique qui s'exprime en castillan, est professeur de littérature comparée. En dépit de sa sensibilité politique d'homme de droite, il a pris le parti de la paix. Quant à Jaime Alejandre, c'est un poète comme on n'en trouve plus. Il est complètement apolitique et met son art au-dessus de tout. Les poètes espagnols ont été invités par l'Union des Ecrivains du Maroc (UEM), mais c'est l'Institut Cervantès qui a pris en charge les frais de leurs déplacements. Ceux qui ont donc condamné ouvertement l'action de l'Espagne ont fait preuve de courage. Ils s'exposent à une éventuelle mise en quarantaine de la part des services culturels de leur pays. Mais il y a surtout le malaise de parler d'un sujet politique alors qu'ils sont là pour la poésie. Tous ont reconnu l'importance de rencontres de ce type. Le partenariat culturel entre nos deux pays peut beaucoup faire là où la politique a échoué. Les préjugés que l'on a les uns pour les autres ne peuvent être corrigés que par une culture vivante, d'aujourd'hui, aux antipodes de l'image du maure, du sarrasin et des archaïsmes coloniaux.