L'ouverture de l'économie des PVD vers l'extérieur, longtemps réclamée, aurait-elle montré ses limites ? La question se pose au vu des maigres résultats engrangés au cours des 20 dernières années. La CNUCED fait le point sur la question. L'ouverture vers l'extérieur, la libéralisation rapide ne sont pas les meilleures garanties à un développement industriel et technologique. Dans son rapport, la CNUCED fait le point sur cette politique adoptée par nombre de PVD qui ont appliqué des prescriptions imposées par les forces du marché et qui ne tiennent pas compte de leurs spécificités. D'après l'étude, les politiques menées pour éliminer l'inflation et réduire l'importance du secteur public ont souvent pour effet de freiner la croissance. «De ce fait la situation économique des pays en voie de développement ressemble étrangement à celle des années 80», déclare le Sécrétaire Général de la CNUCED, Rubens Ricupero. Pour cet éminent économiste, la plupart des pays qui se sont engagés dans des réformes rapides n'ont pas réussi à atteindre le niveau d'investissement nécessaire pour se développer. D'après le rapport, ce seuil est de l'ordre de 20 à 25% du PIB. Si l'Afrique où les IDE (Investissements Directs Etrangers) se sont raréfiés ces dernières années, est loin de ce scénario, ce n'est pas le cas notamment de l'Asie du Sud-Est qui, après la crise de la dette, a vu son niveau d'investissement augmenter considérablement. La progression de la valeur ajoutée manufacturière, le boom du marché de l'emploi, et l'accroissement des exportations ont permis à ces pays de combler l'écart rapide qui les séparait sur le plan de la productivité et de la technologie des pays industrialisés. Mais cette intégration s'est faite au forceps et la situation n'est pas encourageante ailleurs. L'étude a passé en revue 26 pays. Pour la plupart d'entre eux, le processus d'industrialisation est quasiment interrompue. Seuls huit parmi les 26 ont réussi à augmenter la part de la valeur ajoutée manufacturière et de l'investissement dans le PIB durant la décennie 80-90. Ces pays, qui ont vu la part des produits manufacturés diminuer considérablement dans les exportations, ont dû passer par une dépréciation monétaire et des restrictions salariales importantes. En Afrique et en Amérique Latine, on assiste à une évolution progressive de la structure de production. Ce sont désormais les secteurs présentant les plus grandes possibilités de croissance qui sont abandonnées au profit des secteurs de production et de transformation des matières premières. Par ailleurs, le rapport de la CNUCED met en relief les contrastes que l'on observe d'une région à l'autre. En Asie, une petite poignée de pays, miraculés du développement, bénéficient des hautes technologies et des services alors que la majorité n'ont pour alternative que l'utilisation de leurs ressources naturelles et leur main- d'œuvre, arguments insuffisants pour gagner la bataille de l'industrialisation. Pour de nombreux pays d'Afrique, la libéralisation rapide et mal préparée s'est traduite par des contradictions entre politiques macroéconomiques, commerciales et financières, ce qui a bloqué le progrès technologique. Le rapport doute sérieusement du bien fondé d'une «deuxième génération» de réformes néolibéralistes. Ce n'est pas ce qui permettra de remettre ces économies sur chemin du progrès. « Pour repenser les orientations, il faut procéder à une évaluation objective du bilan économique des deux dernières décennies et de l'expérience des pays qui ont le mieux réussi à s'industrialiser et à se développer. Il faut aussi se garder des généralisations pour s'adapter à la diversité des situations et des difficultés des pays en développement». Ce qui sonne presque comme un désaveu de la stratégie adoptée jusque-là vis-à-vis des PVD récipiendaires passifs des solutions de développement toutes faites. Pour un bilan loin du compte.