La relation entre la libéralisation du système financier marocain et l'investissement paraît évidente. Au Maroc, en dépit des différentes réformes entamées, l'investissement n'arrive pas à décoller. La relation liant le marché financier à l'investissement prend de plus en plus d'importance dans un système économique et financier mondial en bouillonnement. Ce sujet a fait l'objet d'un mémoire d'une ex-journaliste à Finances News Hebdo, Sanae El Ibrahimi, pour l'obtention du Diplôme d'Études Supérieures Approfondies (DESA). Le Programme d'Ajustement Structurel adopté durant les années 80 a permis au Maroc de se lancer dans un processus de libéralisation et d'instauration de mécanismes de marché comme solution idéale pour le fonctionnement d'une économie de marché. Sans verser dans les différentes étapes franchies par le système financier marocain en matière de libéralisation et les déterminants de l'investissement au Maroc, abordons la problématique de l'équation système financier et investissement. La question qui se pose d'emblée est de savoir si la libéralisation qu'a connue progressivement le système financier marocain a eu un impact tangible sur l'activité productive. Les économistes sont parvenus, dans les années 80, à la conclusion que les conditions financières ont bel et bien un impact sur l'activité réelle et donc ont éloigné la théorie selon laquelle il existe une dichotomie entre la sphère réelle et la sphère monétaire. Au Maroc, comme un peu partout dans le monde, l'investissement est devenu le point central de plusieurs débats. On entend de plus en plus des mots comme : créer des investissements, attirer, motiver, encourager, améliorer le climat des investissements, faire de l'investissement un acte territorial (dernier thème des Intégrales de l'Investissement)... Les politiques, les lois, les réformes, les chartes, les conventions, les partenariats, les accords de libre-échange, l'assainissement.. ; tous les moyens sont mis en uvre et mobilisés pour faire marcher la machine de l'investissement créateur de la valeur, de l'emploi, de la richesse et de la croissance. Impact de la libéralisation du système financier Le Maroc a procédé au début des années 80 à une réorientation de sa politique économique devant la détérioration de sa situation économique et l'aggravation des déséquilibres financiers. C'est ainsi qu'en 1983, le pays a entamé une série de réformes visant les structures de l'économie dans le cadre du Plan d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. En effet, la démarche marocaine s'est inscrite dans la même logique que dans tous les pays qui avaient entamé le processus de libéralisation de leur système financier. La réforme visait à répondre à la nécessité de moderniser le système financier national afin d'accroître son efficacité et d'améliorer son attractivité sur la scène internationale, attirer les capitaux privés étrangers et transformer l'économie d'endettement marocaine en une économie de financement. L'impact attendu de la libéralisation des services financiers est multiple. Il réside notamment dans l'accroissement des investissements du fait de l'accès à une masse croissante de capitaux mondiaux et de la confiance des marchés dans une plus grande rigueur dans la gestion macro-économique, rigueur d'ailleurs imposée par l'intégration au marché mondial. Un deuxième impact a trait à la diversification des risques rendue possible par l'ouverture du marché. Par ailleurs, des retombées indirectes sont escomptées de l'intégration financière. Celle-ci permet en effet l'importation de technologies étrangères, la diffusion du savoir, le renforcement des marchés financiers internes, l'amélioration de leur efficacité et, par conséquent, une meilleure affectation du capital. La libéralisation financière a produit une révolution dans le système financier marocain, et principalement sur l'activité bancaire. La libéralisation des taux créditeurs (sauf les taux des comptes sur carnet bancaire et les taux des comptes sur livret de la Caisse d'épargne nationale) ont eu un effet capital sur l'évolution à travers les réformes effectuées dans ce sens. Certes, les avancées réalisées dans l'activité financière sont très notables. Toutefois, des questions surgissent relatant le fait que les réalisations positives sur les variables financières au Maroc n'ont pas eu un impact tangible sur l'activité réelle, puisque l'investissement s'est maintenu en stagnation durant la période qui a suivi les réformes, que les crédits à moyen et long termes sont modestes par rapport aux crédits à court terme. Il en est de même pour l'épargne qui continue à être dominée par l'épargne liquide inadéquate pour le financement des investissements... Autant de constats qui poussent à réfléchir et à se poser la question centrale : est-ce qu'il y a réellement une corrélation, un impact entre la libéralisation des variables financières sur l'investissement au Maroc? Epargne = investissement ? Si les crédits bancaires ne sont pas significatifs comme déterminants de l'investissement au Maroc, le modèle adopté a apporté une autre affirmation selon laquelle l'épargne non plus n'agit pas sur le secteur réel comme une incontestable ressource Donc là non plus, on ne rejoint pas la théorie qui préconisait que la libéralisation financière contribuerait à encourager et stimuler l'épargne. Que celle-ci contribuerait, pour sa part, à servir comme base de ressource pour l'investissement. Les économistes ont débattu depuis longtemps et sont arrivés à la conclusion que l'Epargne = l'Investissement, que cette relation se fait à travers le système financier comme intermédiaire pour la canalisation de l'épargne et sa mobilisation vers le secteur réel et que la libéralisation financière renforcerait cette relation. La réalité marocaine a montré que plus de la moitié de l'épargne se fait pour des échéances de court terme et c'est là «l'alibi» incontournable des banques marocaines qui se justifient en disant : nous ne sommes que des intérimaires, comment voulez-vous que nous octroyons des prêts à long terme alors que nos ressources sont principalement de courte durée ? Cependant, cette justification n'est plus prise en compte quand il s'agit, pour les banques marocaines, de financer le Trésor, sachant qu'elles achètent essentiellement des bons à 5 ans ou 10 ans ! Voilà une contradiction à laquelle peu de banques seraient prêtes à répondre. La liquidité de l'économie marocaine n'arrive pas à expliquer l'investissement, cest-à-dire que la liquidité totale, à savoir la masse monétaire et les placements liquides, n'est pas assez importante pour donner un coup de pouce à l'activité réelle, sachant qu'il y a une relation positive entre la liquidité de l'économie et le développement de la sphère réelle. Ceci peut être expliqué par le fait que les autorités publiques visent à limiter la création monétaire pour limiter les tensions inflationnistes. Cependant, c'est un pari que les protagonistes de la politique budgétaire et monétaire tiennent à réaliser au prix d'un taux de chômage élevé, qui est principalement dû à la complexité de l'acte d'investir, puisque si l'investissement augmente, les investisseurs seront amenés à recruter davantage. D'un autre côté, le chômage se contracterait si l'initiative personnelle, cest-à-dire les jeunes promoteurs, ne trouvaient pas de difficulté à créer leur propre entreprise, chose qui est souvent contrainte par les sources de financement. Ainsi, en limitant la création monétaire, on freine certes l'inflation, mais on limite par la même occasion l'investissement à un prix cher qui est le chômage et c'est tout à fait la réalité marocaine.