En une dizaine de jours, le Maroc et l'Espagne se sont livrés à une sorte d'exorcisme qui, d'ores et déjà, donne une autre coloration à leurs relations bilatérales. La crise de l'îlot Leïla est venue à point nommé pour mettre à jour un certain nombre de dysfonctionnements, de zones d'ombre et de refoulés qui pèsent lourdement sur une région à l'importance géostratégique et économique capitale… En une dizaine de jours, le Maroc et l'Espagne se sont livrés à une sorte d'exorcisme qui, d'ores et déjà, donne une autre coloration à leurs relations bilatérales. La crise de l'îlot Leïla est venue à point nommé pour mettre à jour un certain nombre de dysfonctionnements, de zones d'ombre et de refoulés qui pèsent lourdement sur une région à l'importance géostratégique et économique capitale, non seulement pour les deux pays concernés, mais également pour l'ensemble de la région euro-méditerranéenne et pour la communauté internationale dans son ensemble. Concernant les relations purement bilatérales, l'Espagne a montré un visage que les discours d'ouverture des dernières décennies, au cours desquelles elle a fait sa mise à niveau démocratique, ont quelque peu estompé. Un lourd héritage franquiste, colonialiste, condescendant, xénophobe envers le Moro, a refait surface de manière absolument indécente. Une bronca générale que le pouvoir chauvin de Madrid a animée avec l'aide des état-majors militaires et sécuritaires nostalgiques d'expéditions coloniales. Au niveau des réactions en Europe et au-delà de la solidarité automatique et aveugle dont a fait preuve la présidence danoise de l'Union européenne, il s'est avéré à tout le monde que le rôle que s'est arrogé l'Espagne en tant qu'«officier traitant» du Maroc pour le compte de l'Europe, voire de l'Occident, est à la fois injuste, dangereux et inéquitable. L'Espagne voit en son voisin sud-méditerranéen beaucoup plus un rival, un concurrent, un vivier de main-d'œuvre bon marché, un espace de déploiement pour ses trafics en tous genres, plutôt qu'un partenaire, un interlocuteur et un vis-à-vis avec lequel elle devra donner corps à une ambition régionale commune ou un chantier de construction d'un avenir et d'un espace équitablement partagés. De sorte que dans toutes les négociations à venir, les pays de l'Union européenne sont appelés à une plus grande implication dans le dialogue euro-maghrébin en général et, plus spécifiquement, euro-marocain. Pour la simple raison que le Maroc est le pays le plus en pointe dans la proximité avec l'Espagne, mais aussi parce que c'est le pays qui est le plus lésé par cette proximité, en termes d'échanges économiques, de relations d'État à État, mais surtout en termes de liquidation de la colonisation et de ses séquelles. C'est sur ce dernier dossier que les relations risquent de se détériorer davantage et de peser lourdement sur l'avenir si l'Europe et l'Occident en général ne se décident pas à assumer leurs responsabilités envers la paix et le progrès partagé dans la région du détroit. Alors, les négociations qui s'ouvrent aujourd'hui au niveau des chefs de la diplomatie des deux pays, si elles sont à même de faire baisser la tension de ces derniers jours, les déclarations de la ministre espagnole qui veut faire le tri préalable des questions qui seront abordées augure mal d'une véritable négociation qui traite de tous les contentieux qui assombrissent les relations bilatérales, absolument tous les contentieux, sans aucune exception.