Le Maroc «exige le retrait immédiat et sans condition des forces espagnoles de l'îlot Leïla» pris par la force mercredi matin. Rabat a dans le même temps appelé la communauté interanationale pour que cesse l'«agression». Dans son communiqué de mercredi, le ministère des Affaires étrangères et de la coopération s'est montré clair: «le royaume du Maroc s'élève avec force contre cette agression que rien ne justifiait au moment où des discussions étaient engagées et que le Maroc et l'Espagne s'étaient entendus pour résoudre la crise par la voie diplomatique». Dans le même temps, Rabat aaurait saisi le Conseil de sécurité de l'ONU sur la question, ainsi que la Ligue arabe et l'Organisation de la conférence islamique (OCI), et maintenu des contacts à «titre bilatéral avec plusieurs pays frères et amis qui suivent l'évolution de la situation». Cette prise de position faisait suite à l'attitude aussi inattendue que contradictoire de Madrid qui, aux premières heures de la journée de mercredi, a envoyé son armée violer l'espace aérien et les eaux territoriales du Maroc d'une part, et hisser deux drapeaux espagnols sur l'îlot marocain, d'autre part. Un comportement allant dans le sens contraire des propos jusque-là tenus publiquement par l'Espagne qui prônait le «retour au statu quo», arguant que l'îlot, de 13,5 hectares, bénéficie depuis 40 ans d'un «statut accepté par le Maroc et l'Espagne aux termes duquel ni le gouvernement espagnol, ni le gouvernement marocain n'occupera l'île». Pourquoi le drapeau espagnol flottait-il alors mercredi matin sur Leïla? Ce geste est d'autant plus incohérent que, selon la ministre espagnole des affaires étrangères elle-même, il visait un retour à la situation d'avant le 11 juillet. Ana de Palacio n'a pas non plus hésité à dire, quelques heures après l'agression, que son pays avait agi «en situation d'auto défense»… C'est aux environs de 4 heures du matin que les unités spéciales de l'armée de terre espagnole, appuyées par des hélicoptères Cougar et Volkov, se sont emparées de Leïla. Auparavant, des plongeurs de l'infanterie de marine s'étaient déployés autour de la zone à bord de zodiacs. Des bâtiments de la marine espagnole, envoyés en renfort au cours de ces derniers jours, se trouvaient également à proximité. Un arsenal pour le moins impressionnant qui déployé pour déloger - «dans le plus grand respect» - le petit détachement des six gendarmes marocains (qui ont pris la relève des 12 soldats mardi) remis à «leur pays» après un passage à Sebta. Depuis jeudi dernier, l'Espagne avait certes renforcé son dispositif militaire autour de ses deux enclaves et au large des côtes marocaines, mais elle affichait toujours son intention de résoudre la crise par le biais diplomatique. Et était soutenue en ce sens par l'Union européenne. Le rappel de l'ambassadeur espagnol à Rabat, Fernando Arias-Salgado, par Madrid comme le soutien unanime apporté par le Congrès espagnol à José Maria Aznar étaient déjà les signes précurseurs d'un durcissement dès mardi. De l'avis même de M. Arias-Salgado, son rappel pour consultations était un «signe» adressé au Maroc du «sérieux» de la crise entre les deux pays. Une crise qui s'est transformée ce mercredi en agression militaire, conséquence, selon le ministère espagnol des affaires étrangères, de «plusieurs démarches diplomatiques qui se sont avérées infructueuses». Selon l'agence Europa Press, l'opération de mercredi aurait pourtant été planifiée dès samedi dernier, soit deux jours seulement après que Rabat ait installé un poste de surveillance destiné à renforcer la lutte contre l'immigration clandestine, le trafic de drogues et autres. L'îlot, qui, comme répété par le ministre marocain des affaires étrangères, ne fait pas partie du contentieux territorial subsistant entre le Maroc et l'Espagne puisqu'il a de tout temps fait partie intégrante du territoire marocain, devait être l'objet de discussions diplomatiques entre Mohamed Benaïssa et son homologue espagnole Ana de Palacio. Les deux parties s'étaient en effet entendus sur un tel dialogue mardi. Mais, trahissant ses intentions affrichées, l'Espagne a placé mercredi Leïla au cœur d'un conflit de taille que certains n'hésitent plus à définir de «véritable déclaration de guerre». Et puis Madrid a d'ores et déjà prévenu, dixit le ministre de la défense Frederico Trillo, que les «unités spéciales de la légion resteront sur place jusqu'au règlement de la crise». En attendant, quelque deux cents Marocains ont déjà fait part de leur colère en organisant, mercredi, devant le consulat espagnol de Tétouan, une manifestation de protestation. Ils ont brandi des banderoles et scandé des propos dénonçant cette agression injustifiée.