Le film «Tarfaya» du réalisateur marocain Daoud Aoulad Syad sera représenté en compétition officielle au Festival de San Sebastian, en Espagne. Plus qu'une source de satisfaction personnelle cette participation a pour lui le goût de la revanche. Entretien ALM : Votre nouveau long-métrage «Tarfaya» est représenté en compétition officielle au Festival de San Sebastian en Espagne à partir du 17 septembre. Quel effet cela vous fait? Daoud Aoulad Syad : Cela me fait plaisir évidemment et c'est une sorte de satisfaction personnelle. Je trouve aussi que c'est une sorte de consécration pour le cinéma marocain. C'est aussi une manière de valoriser notre savoir-faire et l'image du cinéma marocain. Une image qui est présente de plus en plus en force à l'étranger. C'est très positif. Tarfaya traite d'un sujet très en vogue en ce moment, celui de l'immigration. Ne pensez-vous pas que c'est un thème assez récurrent dans le cinéma marocain ? L'immigration est un sujet d'actualité qui envahit le quotidien marocain, voire humain. C'est un problème qu'on ne rencontre pas seulement chez nous, mais partout dans le monde. Fléau universel, l'immigration concerne tout un chacun d'entre nous. En parler ne relève pas de la mode, mais de la réalité. Ceci étant dit, «Tarfaya» ne traite pas directement de ce sujet. L'immigration n'est qu'un prétexte. Le film raconte l'histoire d'une jeune fille, interprétée par l'actrice Touria Alaoui, qui arrive dans un village au Sud du Maroc. Elle n'est dans ce village qu'à titre provisoire, en attendant le jour de son départ vers l'étranger. Une sorte d'escale aussi forcée que longue. Tout tourne autour de cette attente. L'immigration n'est donc qu'un motif, ce n'est pas le sujet principal du film. «Tarfaya» tourne plutôt autour de la vie dans ce village. L'imminent départ n'est qu'un moyen de décrire le vécu quotidien des gens de la région, et leur mode de vie. C'est aussi une façon de relater les rapports qui se sont tissés entre les candidats à l'immigration, la jeune fille n'étant pas la seule à vouloir faire la grande traversée, et les habitants du village. Comment s'est déroulé le casting du film et avez-vous rencontré des difficultés ? Les comédiens qui jouent dans ce film sont des acteurs avec qui j'ai souvent travaillé. Il s'agit de Touria Alaoui, Mohamed Majd, Mohamed Bastaoui, Mohamed Khouyi, Naïma Eliass, Bouchra Ahrich et Zineb Senhadji. C'est une équipe dynamique et qui, à chaque fois, fait preuve d'un talent et d'un professionnalisme inégalables. Les rôles ont été distribués selon la personnalité de chacun et cela s'est bien déroulé. Tarfaya est coproduit, entre autres, par 2M et TV5. Quel est, selon vous, l'apport de la co-production au cinéma marocain? Je pense personnellement qu'il est impossible de créer un film en se contentant uniquement de ce que nous offre le fonds d'aide du CCM. Même si elle est vitale pour l'industrie cinématographique nationale, cette aide couvre à peine un tiers du budget du film. Pour cette raison, nous sommes obligés de recourir à d'autres sources de financement pour produire un film digne de ce nom. En dépit de son importance, le soutien financier que nous avons reçu-2 millions de dirhams, reste insuffisant pour couvrir toutes les charges. Je trouve que la coproduction est très bénéfique au cinéma marocain. Le fait de trouver des partenaires étrangers est un plus pour l'industrie cinématographique au Maroc. La preuve, tous les films marocains qui ont eu du succès sont en grande majorité des co-productions. Vos films font le tour du monde, mais vous n'êtes pas distribué au Maroc. Comment expliquez-vous cela ? Cela me chagrine de le dire, mais au Maroc nous ne possédons pas suffisamment de distributeurs. Pour ne pas dire que nous n'en avons pas du tout. Moi je suis réalisateur, la distribution ce n'est pas mon métier. Il faudrait que les distributeurs se manifestent et accordent de l'intérêt, pour ne pas dire la priorité, aux films marocains. Il faudrait en outre faire évoluer le secteur de la distribution au Maroc, encore balbutiant. Je ne suis pas le seul à en souffrir. Le film «Badis» de Abderahmane Tazi a tardé à voir le jour sur les écrans de cinéma nationaux à cause de cette même crise que connaît la distribution.