Des affrontements sur le terrain à la guerre des ondes... Israël vient de lancer sa première chaîne satellitaire en langue arabe, avec pour objectif de donner au monde arabe une fausse image de ce pays. Le monde arabe est sous forte influence des télévisions du Golfe, en particulier MBC, Abu Dhabi TV et surtout la qatariote Al-Jazira, très regardée dans les foyers y compris de la diaspora, des Etats-Unis à l'Europe. C'est exactement pour cette raison que les pays arabes sont dans la ligne de mire de ce projet. Joseph Binia, directeur de «Satellite Israël pour le Proche-Orient», cette chaîne dite publique l'explique clairement : «Nous voulons donner une autre image d'Israël, pour équilibrer des programmes arabes très anti-israéliens et ne donnant pas toujours des informations réelles». Cet Israélien d'origine égyptienne considère que «les gens connaissent mal ce pays, ils l'imaginent comme un Etat militaire. Nous montrons un peuple comme les autres, avec ses débats internes, sa culture et ses arts». Fin juin, une station satellitaire diffusant 24 heures sur 24 a ainsi remplacé la modeste chaîne hertzienne nationale jusque-là destinée aux seuls Arabes israéliens. Dotée d'environ 15 Millions de dollars US de budget pour la première année, elle a quitté les locaux de la radio-télévision publique pour l'immeuble accueillant à Jérusalem la plupart des médias étrangers. Et après six mois de préparation, elle a commencé à émettre, dans les effluves de peinture fraîche et au milieu des cartons encore fermés. Au programme, entre les clips de musique arabe et les soap opéras mexicains, un bulletin d'information toutes les heures, des émissions politiques, et un journal plus fourni. Un journal où l'usage des mots est pesé, où est bannie, «martyr», expression des Palestiniens pour désigner leurs morts et remplacée par «terroriste». En revanche, selon Joseph Binia, les commentateurs disent «Cisjordanie», et non «Judée et Samarie», appellations bibliques de la région, et préfèrent les noms arabes aux noms en hébreu: Naplouse et non Shekhem, Al-Khalil et non Hébron. La chaîne dit aussi vouloir donner la parole aux Palestiniens, «sauf s'ils incitent à massacrer des Israéliens». Les imprécations du Hamas font l'objet d'un tri attentif. «Si le Hamas dit quelque chose relevant de l'information, je le diffuse. Sinon, je ne me sens aucune obligation», dit Steve Edwards, chef du service d'informations en anglais de la télévision israélienne, qui fournit une part des programmes à la chaîne satellitaire. «Nous voulons entendre ce que les dirigeants et leaders palestiniens ont à dire, savoir ce qui se passe dans les territoires» assure-t-il. Une tache difficile cependant pour les journalistes de la chaîne - une trentaine d'arabes israéliens ou juifs arabisants - qui ont mal à accéder aux territoires et travaillent beaucoup par téléphone. Et Steve Edwards d'insister qu'il ne s'agit pas de propagande, mais juste de présenter des vues différentes. Il n'y a pas d'ange dans ce conflit, tout le monde a une responsabilité, mais Israël a parfois l'impression que les médias ne montrent qu'un côté. Du coup, dans les faits, le journal de 16H lundi par exemple, a proposé, dans un contexte de calme relatif, une vision plutôt adoucie de la journée. Ainsi, évoque-t-on des représentants de la communauté internationale réunis pour «résoudre la crise au Proche-Orient» ou «conduire à la paix». A propos d'une manifestation à Gaza contre le bouclage de l'armée et la corruption de l'Autorité palestinienne, la télévision raconte juste que les manifestants demandent une aide financière. «Pour dialoguer, il faut se connaître. C'est peut-être un premier pas », argue M. Binia, qui espère «qu'au moins on nous regarde ». Toutefois pour savoir si les populations arabes adhéreront à l'idée de regarder une télévision israélienne, il faudra attendre l'enquête que la chaîne compte commander dans quelques mois.