Pour toute une catégorie d'estivants marocains outre-mer, l'affaire de l'îlot Leila tombe très mal. Pour les sites espagnols qui les accueillaient, ce sera aussi une perte sèche L'Espagne, surtout la Costa del Sol, est une destination privilégiée pour nombre d'estivants marocains en mal de voyages à l'étranger. C'est une destination particulièrement prisée par la population du Nord du Royaume qui n'est qu'à quelques encablures de l'Europe et pour laquelle le voyage et le séjour en terre ibère sont moins onéreux que des vacances au pays. Car même avec un petit budget, ils arrivent à s'en sortir et à passer des vacances dont ils raconteront les péripéties et souvenirs devant les yeux envieux de leurs amis et voisins. Parlant ou comprenant la langue espagnole, ils connaissent tous les bons coins et particulièrement ceux où on peut faire des «affaires». Les gens du Nord ont plus de facilités pour se fondre dans la masse des millions de touristes qui se rendent chaque année pour profiter du soleil sur cette côte très prisée. Mais depuis quelques années, ils commencent à être nettement concurrencés par leurs homologues de l'intérieur, c'est-à-dire leurs concitoyens habitant les autres villes, qui les retrouvent à Malaga, Almeria ou Alicante. Eux aussi connaissent les bons coins et ils se débrouillent pour se trouver un complexe touristique ou une résidence «bien, pas trop cher» et où ils peuvent «se la couler douce» pendant une, voire plusieurs semaines. Ils ont économisé toute l'année pour se payer ces vacances, dont ils parlent avant, pendant et après leur séjour. Ceux qui ne l'ont pas fait ont contracté un crédit-vacances. Auprès de leur banque ou de leurs proches. Car, pour rien au monde, ils ne feraient l'impasse sur la traversée annuelle et rituelle du Détroit. Parmi eux, on retrouve surtout des cadres et des membres de professions libérales. En général, ils viennent en voiture et connaissent leur chemin, puisqu'ils sont devenus des habitués. Baragouinant quelques mots d'espagnol, qu'ils se remémorent durant la traversée sur le ferry, ils se sentent chez eux sitôt débarqués à Algésiras ou Malaga. Au menu, farniente, farniente et encore farniente. Grosso modo, le programme est le même. Petit-déjeuner à une heure tardive - puisque les soirées sont souvent longues -, puis piscine pour les enfants. Les grands vont faire un peu de gym-tonic pour se refaire une santé. Ensuite c'est, pour certains, l'apéro du déjeuner accompagné de délicieux tapas locaux. Mais qui, si l'on y regarde de près, sont pour certains d'origine…marocaine. En début d'après-midi, c'est la sacro-sainte «siesta». Puis le soir, c'est selon les goûts. Longues marches le long de la corniche, puis rafraîchissements du soir avant le dîner dans un des nombreux restaurants de la ville qui restent ouverts toute la nuit. Quelques fois, on emmène les aînés en «boîte» pour «s'éclater un peu» et initier les enfants aux sorties nocturnes. Ils profitent de leurs rencontres entre compatriotes pour refaire le monde, discuter de politique et d'économie, faire et défaire le gouvernement. Bref, des vacances «studieuses». Les épouses et les enfants deviennent amis. On fait les courses et on s'amuse «en famille». On devient intimes. On se promet de se revoir au pays, de dîner ensemble. On se donne même rendez-vous pour l'année prochaine au même endroit et à la même date. Parce qu'il ne saurait être question de songer à changer de destination. Mais il y a également une autre catégorie de touristes marocains privilégiant la destination Espagne. Les plus nantis y possèdent des résidences secondaires de la Costa Brava à la Costa Blanca. En général, ils fraient avec les gens de la «haute» et se déplacent avec leur personnel de maison, à moins qu'ils n'aient des gens sur place. Souvent, ils disposent de véhicules qui les attendent les onze mois restants de l'année, et peuvent aller de marina en marina faire du jet-ski ou prendre le thé et les collations qui l'accompagnent à bord du yacht d'une de leurs connaissances. C'est à bord de l'un de ces petits palaces flottants qu'ils iront visiter les Iles Baléares Ibiza, Palma de Majorque… dont les images sur papier glacé font rêver «les autres».