La ville sainte de Najaf est toujours en proie à des combats meurtriers entre miliciens de l'Armée de Mahdi d'un côté, les forces de sécurité et les marines de l'autre. Pourtant, la crise était sur le point d'être dénouée. A Najaf, la confusion totale règne sur les lieux saints. Les sorties et les rebondissements contradictoires sont légions. De part et d'autre. Les officiels irakiens, affichant un ton plus que modéré en début de semaine, ont subitement affiché une attitude des plus hostiles. Une offensive qualifiée de décisive semblait imminente hier, mercredi, contre Moqtada Sadr et sa milice, retranchés dans le mausolée de l'Imam Ali. Cette sommation a été prononcée par Hazem Chaalane, ministre irakien de la Défense. « Nous en sommes aux derniers préparatifs militaires et les prochaines heures seront décisives. Nous allons leur donner une leçon qu'ils n'oublieront jamais », a-t-il déclaré à la presse dans la ville sainte de Najaf. Cependant, cette réaction brusque de la part des autorités irakiennes aurait abasourdi les insoumis de Moqtada Sadr. En effet, à en croire un porte-parole du chef chiite, celui-ci s'est dit « étonné » des menaces proférées par le ministre de la Défense. La raison de son ahurissement est toute simple : Moqtada Sadr aurait accepté les demandes formulées par la délégation de la Conférence nationale. Continuant sur son élan, le ministre irakien a même averti le chef chiite qu'au cas où ce dernier ne se rendait pas, lui et ses miliciens auraient à payer un lourd tribut pour ce qu'il a qualifié « d'insurrection », balayant d'un simple revers toutes les paroles onctueuses de la veille. « L'Armée de Mahdi doit être dissoute et Moqtada Sadr devrait être conduit devant le Premier ministre qui est seul apte à décider de son sort », a prévenu le ministre de la Défense. Ce revirement, pour le mois spectaculaire, dans l'attitude du gouvernement irakien, sème le doute quant à un éventuel dénouement de l'une des plus graves crises depuis la chute du régime de Saddam Hussein. La confusion est d'autant alimentée que la veille de ces déclarations, ceux qui menacent de donner à Moqtada Sadr la leçon qu'ils estiment avoir bien méritée lui tendaient la main. En effet, la délégation dépêchée sur place était une sorte de main tendue. Composée de huit personnes et chapeautée par son initiateur, Hussein Al-Sadr, un parent du chef chiite rebelle, la délégation en question n'a pu rencontrer Moqtada Sadr. Celle-ci était porteuse d'un message amical, selon les déclarations de son chef de file. Une sorte de résolution ficelée au niveau de la Conférence nationale, réunissant quelque 1.300 délégués issus de toutes les régions d'Irak. La résolution revendiquait le retrait de l'Armée de Mahdi du Mausolée, la remise des armes et la transformation de la milice en parti politique. Moqtada Sadr ne pouvait espérer mieux. Ceci au cas où les avances du gouvernement irakien seraient sincères et que celui-ci n'envisagerait pas de cueillir, et Sadr et sa milice, en usant d'un stratagème à l'américaine. Cela dit, en raison des combats qui se déroulaient autour du Mausolée, la rencontre entre le chef chiite et les membres de la délégation n'a pu avoir lieu. Par ailleurs, un scénario lugubre semble se profiler à l'horizon. Les GI's s'apprêtent, aux côtés des forces irakiennes, à donner l'ultime assaut contre les insurgés. L'on devine que la présence des militaires irakiens est tout simplement accessoire. Les centaines de millions de Musulmans à travers le monde ne sauraient tolérer une éventuelle profanation de ce lieu saint par les Américains. C'est peut-être là la partie de l'offensive réservée aux forces irakiennes. Du moins c'est que l'on essaye de faire croire. Toutefois, comme cité précédemment, la confusion totale reste le maître mot et le gouvernement irakien, dont les ficelles sont tirées à partir de Washington, se trouve une fois de plus à la croisée des chemins, en train de jouer la carte de sa survie, plus que celle de sa crédibilité.