Après son appel lancé aux fidèles chiites de marcher sur Najaf pour tenter de sauver la ville sainte, l'ayatollah Ali Sistani est arrivé jeudi dans la ville assiégée. Retour au calme ou escalade de la violence ? Le grand ayatollah Ali Al-Husseini Sistani, le plus haut dignitaire chiite d'Irak a fait le trajet en convoi, de Bassorah vers la ville sainte, accompagné de milliers de partisans. Son plan de paix pour mettre fin à la rébellion de l'imam radical Moqtada Sadr est très attendu. Entre temps, les miliciens de ce dernier, retranchés dans le mausolée de l'Imam Ali, sont assiégés par les forces américaines et irakiennes. Le retour de Sistani en Irak est traduit par certains observateurs comme un retour au calme et pourrait conduire à une stabilisation de la situation. D'autres considèrent en revanche que rien n'est tout à fait clair, et que ce retour pourrait également avoir de retombées néfastes puisque les chiites irakiens souhaitent plus que jamais jouer un rôle dans leur pays. Le grand dignitaire chiite âgé de 73 ans avait quitté l'Irak le 6 août peu après le début des combats à Najaf, la ville où il résidait. Il a subi une opération chirurgicale à Londres le 13 août. Ce départ a été perçu par les observateurs comme un feu vert illicite aux forces américaines et irakiennes de lancer l'assaut sur Najaf afin de se débarrasser de Moqtada Sadr et de ses milices devenues très «gênantes» à la politique de stabilisation envisagée par le gouvernement en place. La marche des fidèles de Sistani sur Najaf a connu de graves incidents. Vingt personnes, notamment des civils, ont été tuées jeudi à Koufa dans l'attaque de partisans du grand ayatollah a rapporté un photographe de Reuters présent sur les lieux. Ce dernier a dénombré 20 corps recouverts de couvertures. Les auteurs des tirs sur les marcheurs demeurent ignorés bien que les collaborateurs de Sadr affirment que ce sont les troupes américaines et irakiennes qui veulent en finir avec l'armée du Mahdi bien avant l'arrivée de Sistani. Mais le représentant du gouvernement à Najaf a assuré que ni les forces américaines ni les forces gouvernementales irakiennes n'étaient responsables de l'attaque d'une mosquée de la ville voisine de Koufa qui a causé la mort d'au moins 25 personnes. Il a imputé cette attaque à Al Qaïda. Parallèlement, le ministère irakien de l'Intérieur a fait savoir que des tirs au mortier contre une mosquée de Koufa où s'étaient rassemblés des partisans de l'imam radical chiite, ont fait au moins 25 morts et 60 blessés. Au mausolée de l'Imam Ali, la situation des miliciens de Sadr assiégés est désespérée. Sans chirurgien ni transfusion sanguine possible, sans lit et seulement deux ventilateurs électriques malgré une chaleur écrasante, plusieurs d'entre eux vont mourir dans les heures à venir. Toutes les entrées de l'édifice sont dans la ligne de mire des tireurs d'élite américains et plus personne ne peut y entrer ou en sortir, même pour inhumer les morts. Avant que la situation ne se détériore à ce point, les miliciens avaient l'habitude d'enterrer leurs morts juste à l'extérieur de la mosquée, mais les tireurs d'élite américains les empêchent maintenant de le faire. L'étau des forces américaines autour du sanctuaire de resserre plus que jamais. Des partisans de Sadr ont commencé à retirer des dalles de marbre sur le parvis où reluit la coupole dorée de ce site sacré pour les musulmans chiites. Cependant, il y en a qui croient encore au miracle d'un dénouement de la crise. Le Premier ministre irakien Iyad Allaoui a annoncé jeudi qu'il avait ordonné à ses forces d'observer un cessez-le-feu de 24 heures à compter de 15h00 à Nadjaf, pour faciliter des discussions sur un dénouement pacifique de la rébellion du jeune imam radical Moktada Sadr. Dans un communiqué, Allaoui fait savoir que des représentants de Sadr se sont montrés disposés à accepter un plan de paix annoncé par Ali Sistani. Le chef du gouvernement irakien a promis l'amnistie aux miliciens de l'Armée du Mahdi de s'ils remettent leurs armes et acceptent d'évacuer pacifiquement le mausolée de l'Imam Ali. Même Sadr bénéficiera aussi d'un sauf-conduit s'il accepte de mettre fin au soulèvement, a assuré Allaoui. Dans tous les cas, les opérations militaires devraient reprendre 24 heures plus tard si aucun accord sur le désarmement des miliciens de l'Armée de Mahdi et leur retrait du sanctuaire n'était conclu entre l'entourage de Sadr et Sistani.