Affabulateur, racketteur, maître-chanteur, Hicham Mandari a vécu dangereusement en interprétant tous les rôles qui lui permettaient d'extorquer de l'argent. Ce Tangérois de 39 ans, s'était embarqué dans des aventures suicidaires. Portrait d'un usurpateur professionnel. Il a revêtu tellement de rôles dans sa vie. Seule constante : l'affabulation, le mensonge, l'escroquerie, le chantage et le rackett. La première apparition notoire de Mandari date de juin 1999. Il a acheté une pleine page dans le prestigieux quotidien The Washington Post et adressé une lettre ouverte au défunt Roi Hassan II. Dans cette lettre, il a affirmé disposer «d'informations compromettantes». La presse a relayé ses propos, sans trop chercher à savoir qui il était. Hicham Mandari faisait pourtant l'objet d'un mandat d'arrêt international depuis 1998 et avait à ses trousses le FBI et la CIA. Arrêté en août 1999 en Floride, il a été condamné à deux ans de prison en Floride. Il avait en sa possession de faux permis de conduire et un titre de séjour illégalement obtenu. Ce Tangérois, marié à une jeune fille dont le père travaillait au Palais, aurait volé auparavant, grâce à l'aide de complices, des chèques à Feu Hassan II. La presse a largement commenté les péripéties de ce vol. L'homme aimait se présenter comme conseiller personnel du défunt Roi. Mais les affaires d'escroquerie dans lesquelles il a été mêlé rendent très incertaines ses affirmations. Hicham Mandari était en effet inculpé en France, depuis 1998, dans l'affaire dite des «faux dinars de Bahreïn», un des plus grands scandales de contrefaçon monétaire de ces dernières années. Il était impliqué dans un trafic de faux dinars de Bahreïn portant sur quelque 350 millions d'euros. C'est ce qui explique son extradition des Etats-Unis, après y avoir été détenu pendant deux ans, vers la France. Dans l'attente de l'instruction de ce dossier, Hicham Mandari s'est fait prendre la main dans le sac, en septembre 2003, alors qu'il tentait d'extorquer la bagatelle de 5 millions d'euros à Othman Benjelloun, président de la BMCE. Ce dernier n'a pas cédé au chantage. Il a déposé une plainte pour extorsion de fonds. Interviennent alors des événements rocambolesques. Mandari disait être menacé de mort. On aurait tiré des coups de feu sur sa voiture. En constatant que ces allégations n'avaient pas l'effet escompté, l'intéressé a décidé de jouer la carte de la politique. Il a créé en juin 2003 un supposé conseil national des Marocains libres, basé à Londres. Il l'a gonflé par le chiffre de 3000 adhérents, alors que selon toute vraisemblance, l'intéressé y siégeait seul ou presque. Certains journaux algériens ont été intéressés par le nouveau rôle de Mandari. Ils l'ont accueilli à bras ouverts. Le 17 juillet 2003, “Al Khabar” a donné pleins pouvoirs à la faconde mensongère du Marocain. Le journal algérien l'a présenté comme un révolutionnaire, rompu à la politique et déterminé à réformer les institutions marocaines. L'homme, dont le cursus scolaire n'atteignait pas le baccalauréat, s'est tout permis dans ce journal : «Docteur d'État en économie et détenteur d'un magistère en gestion financière». Al Khabar a dû d'ailleurs payer les services de Mandari. Il lui a livré la marchandise qu'il lui a réclamée: «le Palais royal apporte un appui financier et logistique au terrorisme intégriste en Algérie». Ubuesque. Hicham Mandari s'est servi de la politique pour faire diversion. Il opérait de la même façon quand il écumait les boîtes de Rabat. Il évoquait des liens de parenté aussi prestigieux qu'imaginaires pour intimider les forces de l'ordre quand elles intervenaient après une rixe. Il a juste poussé jusqu'à ses derniers retranchements sa logique en affirmant aux gendarmes français qui l'ont arrêté en mars à Bordeaux qu'il était «le frère du Roi du Maroc». C'était son dernier dada: «fils naturel de Hassan II». L'usurpation d'identité est devenue chez lui une seconde nature. Prévisible, sa mort tragique n'a pas surpris grand monde.