La production statistique au Maroc pose la question de la fiabilité des chiffres et de l'usage politique qu'il en découle. La demande, toujours pas comblée, d'un système intégré et cohérent de statistiques socio-économiques devient de plus en plus pressente. La superproduction de statistiques et de chiffres que connaît le Maroc, notamment celle du Haut commissariat au Plan pose le problème de leur fiabilité et celui de leur utilité et dans le cadre de la gestion de la politique publique. Nul ne conteste l'importance et le rôle de cheville ouvrière que doit jouer un système d'informations fiable dans le suivi de la mise en œuvre d'une action politique. Car les indicateurs proposés vont dans le sens d'une allocation optimale des ressources dans la mise en œuvre des différents programmes nationaux. Et il est tout à fait raisonnable de s'attendre que les services de statistique nationaux brossent un tableau fiable, cohérent et pertinent des processus socio-économiques. Es-ce le cas pour le Maroc ? Pour le professeur Rachid Boutti, expert en statistiques, cette exigence n'est pas encore satisfaite. Car « le problème de l'approche adopté aujourd'hui par le HCP se situe au niveau de la faible proximité des chiffres avec les besoins du citoyen». L'insuffisance tient au fait qu'il n'existe pas de traçabilité pour ces chiffres, puisque celle-ci ne part pas du particulier vers le général. Ce qui donne souvent lieu à des chiffres contradictoires. Pour le HCP, ces contradictions sont plus apparentes que réelles. Il donne l'exemple de l'élaboration des lois de finances : le gouvernement se base en effet sur les taux de croissance du PIB prévus dans les budgets économiques élaborés au Haut Commissariat au Plan. Un taux auquel il s'en tient durant toute l'année budgétaire, alors que le HCP rectifie ces prévisions en fonction de l'évolution économique du pays. Pour M. Boutti, universitaire, la contradiction existe belle et bien et c'est le signe d'une politisation de la production statistique au Maroc. Il propose dans ce cadre de créer une autorité indépendante qui valide les statistiques émanant des différentes entités gouvernementales. «La déontologie implique qu'on ne peut pas être juge et partie à la fois.», explique-il. Cela suppose aussi le renforcement des capacités pour l'élaboration des schémas directeurs de la statistique, la coordination des systèmes statistiques nationaux. Avec les conséquences que cela implique sur l'analyse, la rédaction et la diffusion des rapports statistique.Aujourd'hui, la demande et de plus en plus pressante de données fiables nécessaires à la formulation, à la gestion et au suivi des politiques. Car la question de fiabilité des statistiques conditionne un autre aspect, pas moins important : celui de l'exploitation et de l'usage des chiffres dans le cadre de l'action politique. C'est à ce niveau que se situe le principal défi auquel les systèmes statistiques font face. Avec comme préalable, une plus grande prise de conscience de l'importance des statistiques de la part des décideurs.