L'annulation du sommet des chefs d'Etat de l'UMA, prévu à Alger, est venue confirmer l'inanité d'une union incapable d'assumer sa vocation : unir et non désunir. Créée en 1989 lors du sommet de Marrakech, l'UMA (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye) est restée une coquille vide et ses dirigeants n'ont pas été en mesure de se réunir une seule fois depuis 1994 pour surmonter leurs nombreux différends. Présenté par le président algérien Abdelaziz Bouteflika comme un temps fort de "la relance maghrébine", le sommet avorté d'Alger est un revers personnel pour l'ancien chef de la diplomatie de Houari Boumédienne qui avait usé de tous ses talents pour tenter de convaincre ses « partenaires » de discuter ensemble de l'avenir d'un marché commun théorique de 100 millions de consommateurs. Exaltée dans tous les discours officiels de Tunis à Rabat, où l'on martèle que « l'union du Maghreb arabe presse », soutenue tant par Washington que par Bruxelles dont les diplomates ne cessent de louer les mérites de « l'intégration Sud-Sud », l'UMA bloque notamment depuis sa création sur la lourde rivalité entre le Maroc et l'Algérie. Au cœur du différent entre les deux puissances régionales, la question du Sahara et le soutien, l'hébergement et l'armement du Polisario par l'Algérie. Dès l'annonce le 11 juin du roi Mohammed VI de renoncer à se rendre au sommet d'Alger, son Premier ministre Abderrahmane Youssoufi a levé toute ambiguïté en précisant que cette décision avait pour fondement « l'intégrité territoriale et des intérêts supérieurs du Royaume ». C'est déjà à cause du dossier du Sahara, souligne l'agence, que le Maroc avait claqué en 1984 la porte de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). De son côté, le chef de la diplomate algérienne Abdelaziz Belkhadem a répondu que « la construction maghrébine était un processus contrarié qu'il faut mettre au dessus des contingences politiques». «Intérêts supérieurs» à Rabat, «contingence politique» à Alger, la question du Sahara n'occulte toutefois pas le ressentiment profond du dirigeant libyen Mouamar Kahddafi à l'encontre du président mauritanien Maouya Ould Taya, accusé de « complicité sioniste » depuis l'établissement en 1999 de relations diplomatiques entre Nouakchott et Israël.Si l'on ajoute à ce sombre tableau de l'entente régionale, la méfiance du très conservateur président tunisien Zine el Abidine Ben Ali vis-à-vis de ses turbulents voisins libyen et algérien qui oscillent entre tentation révolutionnaire ou islamiste, il paraît presque normal de constater qu'il est aujourd'hui impossible de relier par la route Tanger à Alger, de franchir une frontière sans visa ou d'importer légalement un véhicule entre ces pays sans remplir une encyclopédie administrative. Alors que la Tunisie, suivie du Maroc et de l'Algérie ont signé séparément des accords de libre-échange et de dialogue politique avec l'Union européenne, premier partenaire économique de chacun de ses pays, les frontières terrestres entre le Maroc et l'Algérie sont fermées depuis 1994 et les échanges régionaux restent à des niveaux anecdotiques. «Face à la forteresse européenne, face à la menace Ben Laden, les dirigeant maghrébins ont préféré regarder leur nombril», déplore Mohamed Benchicou, directeur du quotidien algérien «Le Matin».