Taïeb Mounchid, secrétaire-général de la Fédération démocratique du travail (FDT), se dit enthousiasmé par la teneur des recommandations de SM le Roi. Il explique toutefois qu'elles concernent plus le gouvernement et le patronat. En ce sens où ils sont responsables, selon lui, de la crise sociale. ALM : SM le Roi a accordé un grand intérêt à «la paix sociale» dans le discours, prononcé le 30 juillet. Comment y réagissez-vous? Taïeb Mounchid : Nous sommes très honorés par la place que SM le Roi a accordée à la vie sociale dans son discours. Elle ne peut que conduire à une plus grande entente entre les partenaires sociaux. Par principe, nous applaudissons et appuyons cette «paix sociale» voulue par le Souverain. Mais il ne faut pas oublier qu'elle nécessite des conditions favorables pour que son application ne soit préjudiciable à aucune partie. Que voulez-vous dire par là ? Le pacte social a souffert de 40 ans de marginalisation. Il a été volontairement bafoué par plusieurs gouvernements successifs. Ces dernières années, il y a eu un effort qu'on ne peut pas nier, mais il ne répond pas encore aux attentes des salariés à faibles revenus qui constituent – faut-il le rappeler – la majorité de la population marocaine. Je veux insister sur un point : nous sommes enthousiastes à l'idée de contribuer à la réalisation de la paix sociale, mais il convient de rappeler que c'est le gouvernement et le patronat qui ont, jusque-là, rendu impossible le chemin vers cette paix. Ne pensez-vous pas que vous êtes en train de donner le beau rôle aux partenaires sociaux ? Ecoutez, les libertés syndicales sont sujettes à des mesures répressives de la part du patronat. A l'heure où je vous parle, une société espagnole de transports à Marrakech a licencié des salariés pour la seule raison qu'il avaient fondé un syndicat. Ils n'avaient encore rien revendiqué, n'étaient même pas entrés en grève, mais le seul fait d'appliquer un droit constitutionnel a été sanctionné d'une façon antidémocratique et liberticide. Pareil pour une entreprise de fabrication de briques, établie à Taza. Le même sort a été réservé aux salariés qui se sont groupés en syndicat. La chose est d'autant plus condamnable que le patron de cette entreprise occupe un siège au Parlement. A votre avis, le discours royal peut-il contribuer à changer des attitudes de ce genre? Nous l'espérons et sommes disposés à n'épargner aucun effort pour y parvenir. Dans son discours, SM le Roi a parlé de «concertations et d'accords entre le gouvernement et les partenaires sociaux». Il est très important de relever l'expression «partenaires sociaux». Le salarié n'est pas un esclave, mais un partenaire social qui ne doit pas avoir honte de faire valoir son droit à la grève. A propos de droit à la grève, le Souverain a appelé à la réglementation de ce droit… Oui, et nous sommes disposés à accompagner l'aboutissement à cette réglementation. Il faut savoir que le recours à la grève est l'ultime moyen pour se faire entendre. La grève n'est pas une fin en soi, mais le dernier moyen qui reste au salarié pour faire entendre sa voix. Jusque-là, les tentatives du gouvernement visant à réglementer le droit de grève contenaient des propositions qui battaient en brèche le principe même de la grève. Avec le discours du Souverain, nous sommes confiants que cette réglementation se fera en concertation avec les partenaires sociaux et de façon à ce que les salariés défendent leur intérêt conformément à la Constitution. Le Souverain a également appelé à élargir la protection sociale et l'assurance maladie. Qu'en pensez-vous ? Ce sera une révolution sociale au Maroc ! L'intérêt de SM le Roi pour ce sujet ne peut que conduire le gouvernement à se pencher de façon moins biaisée et plus frontale sur ce dossier. C'est l'une plus grandes revendications des partenaires sociaux. Nous sommes reconnaissants envers le Souverain d'en avoir fait mention. Nous ne doutons pas que l'une des clefs de la paix sociale se trouve-là. Et cette clef ouvre à une nouvelle ère au pays.