Depuis dimanche, l'inquiétude des dirigeants palestiniens ne cesse de grandir. S'il n'y a pas de réforme dans les jours qui viennent, c'est l'émeute, menacent les récalcitrants. Le risque est gros que les territoires palestiniens basculent dans le chaos. «Nous risquons d'être confrontés à un désastre sans précédent», a affirmé le Premier ministre palestinien, Ahmed Qoreï, au journal palestinien “Al Qods”. D'abord trois Occidentaux, des enseignants d'anglais, ont en outre été enlevés puis relâchés vendredi soir à Naplouse par des hommes armés, annonçant une détérioration de la situation en Cisjordanie. Puis un groupe armé avait incendié, samedi, les locaux du gouverneur à Jenine. Cette action a été soutenue par une manifestation de milliers de Palestiniens. Ce qui prouve que la déchirure entre les différentes factions est en train de prendre forme. Mais c'est surtout l'ancien ministre palestinien délégué à la Sécurité, Mohammed Dahlane, considéré comme étant l'homme fort de Gaza et le catalyseur de cette «Intifada» interpalestinienne. Ce dernier a menacé clairement de manifestations de masse à Gaza, si M. Arafat ne fait pas appliquer les réformes sécuritaires dans les jours qui viennent. Dans une attaque sans précédent contre le président de l'Autorité palestinienne, M. Dahlane a affirmé que M. Arafat «est assis sur les corps et la destruction des Palestiniens, au moment où ils ont le plus besoin de soutien et d'une nouvelle mentalité». Si ces réformes ne sont pas appliquées d'ici le 10 août, «30.000 Palestiniens descendront dans les rues de Gaza pour soutenir et exiger la mise en œuvre des réformes», a prévenu l'ancien chef de la sécurité préventive. Interrogé lundi soir par la télévision arabophone Al-Arabiya, Mohammed Dahlan assure qu'il ne veut pas détruire l'image du président de l'Autorité palestinienne mais « la corriger pour qu'elle reste magnifique», et que tout ce qu'il avance, il le fait pour Arafat. Le même Dahlan se défend publiquement de vouloir remplacer Yasser Arafat. En parlant de la crise actuelle, l'ancien chef de la sécurité préventive estime «qu'il est temps de demander des comptes aux corrompus». Par ailleurs, à Jénine, au nord de la Cisjordanie, des milliers de Palestiniens ont clamé leur appui, à Zakaria Zoubeidi, le puissant chef local des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, le groupe armé lié en théorie au mouvement Fatah dirigé par Yasser Arafat, mais en réalité largement autonome. Mais Zoubeidi a proclamé sa fidélité à M. Arafat, tout en justifiant l'incendie samedi des locaux des services de renseignement en accusant ces derniers de «coopérer» avec le Shin Beth pour liquider les membres de son organisation. Les cartes demeurent ainsi brouillées: on ne sait qui soutient qui contre qui et pourquoi. Le chef local des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, tout en brandissant un portrait de Yasser Arafat, a déclaré à une foule estimée à 5.000 personnes que «certains dirigeants palestiniens conspirent contre Arafat. Qu'ils sachent que les Brigades d'Al-Aqsa sont contre eux et soutiennent entièrement le président». Dimanche matin, des hommes armés fidèles à Yasser Arafat ont ouvert le feu dimanche lors d'une réunion de responsables du Fatah, ce qui témoigne une nouvelle fois des conflits au sein de l'Autorité palestinienne. Une vingtaine d'hommes armés sont entrés dans le bâtiment, tirant des coups de feu en l'air et au-dessus de l'estrade où étaient assis des intervenants. Personne n'a été blessé, mais la réunion a été interrompue. Plusieurs délégués ont ensuite pu rencontrer les hommes armés qui se sont présentés comme des membres des Brigades Al Awda. L'un d'eux a affirmé qu'ils pensaient que cette réunion était organisée dans le cadre d'un complot contre Yasser Arafat. Cependant, une lettre destinée au président palestinien, et rédigée par les participants à cette conférence, dénonce l'anarchie dans les territoires et la corruption. «Président Arafat, c'est peut-être votre dernière chance de réformer la situation (...) Nous avons besoin d'une révolution au sein du Fatah», estiment-ils. On retrouve là la thèse présentée par Dahlan sur la chaîne Al –Arabiya, ce qui prouve encore qu'il ne représente pas que lui-même et quelques-uns de ses fidèles. Le gouvernement israélien ne rate pas cette occasion pour donner une nouvelle impulsion à la colonisation en Cisjordanie avec le feu vert donné à la construction de 600 logements à Maalé Adoumim, la plus grande implantation de ce territoire palestinien. Une décision qui fait fi de la fameuse «feuille de route». Cette colonie, qui se trouve près de Jérusalem sur la route de Jéricho en Cisjordanie, comptait à la fin de juin 28.120 habitants, selon le ministère de l'Intérieur. La construction des 600 logements devrait permettre d'augmenter de 2.000 le nombre d'habitants. Sur le front politique, le chef du gouvernement palestinien, Ahmed Qoreï, devait présider, lundi en début d'après-midi, sa première réunion de cabinet depuis sa décision de revenir sur sa démission, alors que les désordres qui ont commencé dans la bande de Gaza ont atteint la Cisjordanie.