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Sabah Fakhri, entre musique et politique
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 14 - 06 - 2002

C'est l'un des plus grands chanteurs du monde arabe. Il a participé pour la deuxième fois au festival des musiques sacrées de Fès. Sabah Fakhri est député au Parlement syrien. Il parle avec passion de la musique, mais il est moins loquace concernant la politique.
Aujourd'hui Le Maroc : Vous n'avez jamais introduit dans votre orchestre un orgue, une guitare ou autres instruments occidentaux intégrés par plusieurs grands musiciens arabes ?
Sabah Fakhri : Je suis musicien arabe. Ma musique puise ses sources dans ma culture. J'ai mes instruments qui permettent à ma musique de s'exprimer pleinement. Ce qu'ils rendent est à tous égards exceptionnel. Les instruments occidentaux ne m'apportent rien que je ne trouve déjà dans les instruments de mon orchestre. Pourquoi voudriez-vous que je m'en serve ?
Vous ne seriez pas un peu fermé au progrès ?
Progrès ! Dites plutôt défiguration. J'ai une personnalité et une identité qui sont étroitement liées à ma culture arabe. Je le répète : je suis un Arabe qui chante le patrimoine arabe authentique. Pourquoi faire un mixage entre la musique occidentale et la musique arabe ? Ce n'est pas de l'entêtement, mais l'Occident n'ajoute rien à ma musique. Je ne suis pas contre la musique occidentale ou les instruments occidentaux, seulement ils ne m'apportent rien que je ne connaisse déjà. En clair, je n'en ai pas besoin !
Vous êtes député au Parlement syrien. Pouvez-vous parler de la relation de l'artiste à la politique?
En tant qu'artiste, j'essaie de contenter mon public. J'entre sur scène avec l'intention de le satisfaire. Ce même souci d'être proche de mon public se retrouve dans ma conception de l'exercice politique. Je rends des services aux personnes qui m'ont élu et qui m'ont fait confiance.
Que faites-vous lorsque les autorités s'opposent aux libertés de ces personnes ?
La politique est un comportement au quotidien. Elle oblige celui qui l'exerce à avoir une conduite en rapport avec l'éthique.
Le comportement du politicien est nourri de principes moraux. C'est cela la politique. Mais les objectifs diffèrent d'un politicien à un autre. Imaginons que nous sommes nombreux à prendre l'autoroute de Fès jusqu'à Meknès. Chacun de nous se rend à cette ville pour diverses raisons, mais nous empruntons le même chemin. La politique est ainsi faite. Il existe une seule voie avec des objectifs différents.
Mais il faut bien reconnaître que de nombreux régimes dans les pays arabes sont autoritaires…
Non ! Non ! Non ! Vous voyez, vous êtes en train de dévier. Vous entrez dans les particularités. Moi, je n'ai rien à voir avec les particularités. Posez-moi des questions sur les caractéristiques de la musique. Je vous réponds. Vous posez des questions sur la médecine à un médecin, il vous répondra. Mais ne l'interrogez pas sur ce qui ne le regarde pas.
Vous êtes à la fois artiste et député…
Oui, et quand un projet de loi est soumis au Parlement, je le discute. Si j'estime qu'il profite au peuple, au pays, je vote pour. Si je juge qu'il est contraire à l'intérêt général, je m'y oppose. Un point final ! Là s'arrête ma mission. Mais pour ce qui est de la politique de l'Etat, c'est un autre sujet.
Et vous ne souhaitez pas dire un mot sur ce sujet ?
Non ! Je suis un artiste. Et mon rôle est de communiquer aux gens un art élégant. Mon rôle diffère de celui d'un politicien. Je suis entré au Parlement pour servir d'abord l'art et les artistes. Je me bats avant tout pour les droits des artistes. Je n'appartiens à aucun parti. Je suis un député indépendant, et je me tiens à l'écart des querelles entre les partis. À cet égard, je dois préciser que la musique est plus forte que la politique. Combien de personnes viennent assister aux concerts, à Bab Makina, en dépit du froid ? 6000 personnes ! Que l'on essaie d'organiser un meeting politique par le temps qu'il fait, et l'on verra le peu de personnes qui s'y déplaceront… La musique rassemble, et la musique est une nourriture dont l'être a besoin. Ceux qui peuvent se passer de musique sont anormaux, il faut qu'ils se soignent. Ceux qui se désintéressent de la politique mènent une vie très normale.
Vous n'avez jamais eu envie d'interpréter une chanson marocaine?
Je connais très bien la musique andalouse. Mais pour chanter une nouba, il faut que je réside au Maroc, que j'apprenne l'accent et la façon dont il faut interpréter. Il faut que la marocanité s'imprime sur mon cœur et sur ma voix. Cela demande du temps. En clair, c'est moins l'envie que le temps qui fait défaut pour que je chante en marocain.


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