Yasser Arafat dirige aujourd'hui le peuple palestinien et «il faut traiter» avec lui, a déclaré jeudi Jack Straw, qui prend le contre-pied de George Bush. «Nous devons traiter avec les dirigeants qui sont en poste aujourd'hui », a déclaré Jack Straw à la BBC depuis Whistler (Colombie-britannique, ouest du Canada), où il participait à une réunion des ministres des Affaires étrangères du G8. «Nous ne choisissons pas les dirigeants des autres pays et cela vaut évidemment pour M. Arafat», a ajouté le chef de la diplomatie britannique. Le secrétaire au Foreign Office prend ainsi le contre-pied du président américain George Bush, qui a semblé s'aligner sur la position israélienne en déclarant lundi, à l'issue d'un entretien avec Ariel Sharon, qu'il «n'avait pas confiance dans le gouvernement palestinien» actuel. Jack Straw a par ailleurs défendu la position du secrétaire d'Etat Colin Powell favorable à la reconnaissance d'un Etat palestinien «provisoire» en affirmant qu'il était «le principal promoteur» des propositions américaines sur le Proche-Orient. «Colin Powell a parlé ici à Whistler des propositions des Etats-unis, dont il est le principal promoteur», a affirmé le secrétaire au Foreign Office, tout en précisant qu'il ne souhaitait pas rentrer dans la polémique actuelle entre la Maison-Blanche et le département d'Etat. «Cela inclut, probablement, la reconnaissance de ce qui est décrit comme un Etat palestinien provisoire, destiné à donner de la consistance à ce dont le président bush a parlé devant l'assemblée générale des Nations unies en novembre», au cours duquel le président américain s'est déclaré sous conditions favorable à un Etat palestinien, a poursuivi Jack Straw. Les propositions américaines comprennent «également des grandes lignes d'un calendrier vers un règlement définitif de toutes les questions » du conflit israélo-palestinien, selon le secrétaire au Foreign Office. Colin Powell avait, dans un entretien au quotidien londonien Al Hayat puis dans des déclarations à la presse, émis l'idée d'un Etat palestinien «provisoire» ou «intérimaire», doté d'institutions et d'un territoire qui ne seraient pas nécessairement définitifs. Mais, dès jeudi, le dirigeant palestinien Saëb Erakat, le ministre palestinien des Collectivités locales, avait rejeté cette idée, en soulignant que M. Powell «devrait se concentrer sur le vrai problème: mettre un terme à l'occupation israélienne». «Il faut que l'armée israélienne se retire jusqu'aux frontières de 1967, en conformité avec les résolutions 242 et 338 des Nations unies, après quoi un Etat souverain palestinien sera établi avec un contrôle palestinien sur ses frontières et à l'intérieur, et avec la liberté de circulation» pour ses citoyens, a ajouté m. Erakat. «Nous ne pouvons plus accepter de solutions provisoires, nous devons parvenir à un accord final», a-t-il dit. Même la Maison-Blanche avait pris ses distances avec les déclarations de Colin Powell. Ainsi, Ari Fleischer, le porte-parole de la Maison-Blanche, avait affirmé que ces déclarations, reflétaient simplement « les conseils divers, quelle qu'en soit la source, que les membres du gouvernement sont payés pour écouter». Et alors que le nouveau cabinet palestinien devait tenir dans la soirée sa première réunion à Ramallah, les responsables israéliens se félicitaient du bilan de la visite de Sharon à Washington et Londres, jugeant que les entretiens, au cours desquels il a réitéré son opposition à la création d'un Etat palestinien dans les circonstances actuelles, avaient été fructueux. Ariel Sharon a réaffirmé qu'il n'envisageait pas de négociation de paix avant l'arrêt des violences et averti qu'un soutien à la création d'un Etat palestinien «provoquerait l'éclatement de son gouvernement d'union nationale». Pour sa part, Nabil Chaath, le ministre palestinien de la Coopération internationale, devait partir vendredi pour Washington afin d'y présenter la position palestinienne.