Ahmed Rih, membre de la Commission administrative de l'USFP, discret et percutant à la fois, s'exprime sur la conjoncture politique actuelle. Entretien. Aujourd'hui Le Maroc : Quel bilan faites-vous de l'expérience de de l'alternance? Ahmed Rih : L'actuel gouvernement a le mérite d'avoir balisé le terrain pour l'alternance démocratique, aussi bien par la mise en place du dispositif juridique et législatif, que par la création des conditions de réussite de la transition politique. Les efforts consentis dans le sens de l'assainissement des établissements publics et semi-publics et la moralisation de la vie publique, auraient pu avoir plus d'effets si la situation du gouvernement était moins fragile qu'elle ne l'est. Mais, cela ne nous empêche nullement de faire part des différents acquis réalisés, dans le sens du désenclavement du monde rural et dans les domaines de la lutte contre les effets de la sécheresse, l'enseignement, la santé etc… Comment voyez-vous le paysage politique ? Outre le fait qu'il se distingue par son éclatement, le paysage politique marocain est diffus et souffre de dysfonctionnements patents. Pis encore, il ne cesse de générer de nouveaux partis qui n'ont de rôle que de jeter plus d'ambiguïté sur le champ politique. La prolifération des partis politiques donne l'impression que le Maroc vivait, dans le passé, une expérience de collectivisme ; et ce comme s'il s'agit, à présent, d'une réaction, typiquement, libérale, alors que les projets libéraux font défaut. Mais le mode de scrutin actuel pourrait remédier à cette situation. Qu'en dites vous ? Il faudrait se résigner à l'évidence qu'un mode de scrutin, aussi parfait soit-il, ne saurait créer la démocratie. Le mode actuel permet l'émergence de toutes les expressions politiques, alors que l'éducation politique saine exige le déploiement d'efforts en vue de faciliter le choix aux citoyens. Personnellement j'aurais aimé qu'il y ait un mode de scrutin de liste sur le plan régional, lequel serait à même de favoriser les grands partis, et permettre, par conséquent, une visibilité politique. Est-ce que vous ne croyez pas que les tiraillements entre les partis portent préjudice à l'action politique ? La concurrence est une arme à double tranchant, elle pourrait servire la mobilisation comme elle pourrait participer à la banalisation de l'action politique. Toutefois, il y a lieu de signaler que la culture de la gestion des divergences fait défaut dans notre pays et que celles-ci tournent souvent à la confrontation et aux conflits. L'action en commun doit se faire sur la base d'objectifs clairs, comme cela s'est manifesté dans le passé. Aujourd'hui, nous travaillons au sein d'un gouvernement, mais, apparemment sans objectifs précis, surtout par rapport aux élections qui pointent. N'aurait -t-il pas été bénéfique pour les partis nationaux de s'unir? Les alliances auraient été bénéfiques si nous étions dans des circonstances normales. Or, dans le cas échéant, il s'avère que ces échéances constituent la première épreuve à même de permettre l'émergence d'une véritable carte partisane. Il faudrait également reconnaître que les alliances actuelles souffrent d'énormes problèmes dus à la position de l'USFP au sein du gouvernent. Une position acceptée du bout des lèvres. A cela s'ajoute le retrait progressif de l'éthique dans l'action politique. Qu'en est-il des prochaines élections ? Les prochaines élections se dérouleront sans doute dans un climat nouveau, en l'absence de la tutelle et de la main «invisible» qui confectionnait au préalable la carte politique partisane. Bien entendu, la tâche de l'opposition actuelle, habituée aux coups de mains des autorités, à leur tutelle et parrainage, serait difficile. Elle risque de faire un saut dans l'inconnu. Chose qui explique l'excitation de ses dirigeants. Pour ce qui est des islamistes ? Les islamistes ne se trompent pas de cible et savent pertinemment quels sont leurs adversaires. Politiquement, ils n'ont fait que répéter les schémas de comportement politiques classiques. Souvent, ils se sont alliés avec les forces de la droite classique pour contrecarrer des projets au Parlement ou en faire passer d'autres. En fait, ils considèrent, et ils l'ont fait toujours, que la démocratie est une option de tactique, par excellence.