Les deux rivaux malgaches Ratsiraka et Ravalomanana se sont à nouveau retrouvés dans la capitale sénégalaise pour exposer successivement leurs points de vue et divergences tandis que Madagascar s'enfonce. Déclenchée par le candidat Ravalomanana au lendemain des résultats du premier tour de l'élection présidentielle le 16 décembre dernier, la crise malgache a depuis pris des allures d'une quasi-guerre civile qui paralyse tous les secteurs de l'île. Dénonçant la victoire du président sortant Ratsiraka, son rival réclamait au début un recompte des voix par la Haute cour constitutionnelle. Après un premier round de négociations, «Dakar I», le 18 avril, l'affaire semblait pourtant entendue : la HCC devait revoir les votes et, en cas de non-victoire de l'un des deux candidats, un référendum devait être organisé. Or, contrairement au scénario alors prévu - en secret - par les deux adversaires, le 29 avril la Cour a proclamé Marc Ravalomanana vainqueur. Trahi par un accord verbal, le dirigeant au pouvoir pendant 20 ans s'était alors replié dans son fief, à l'est de l'île. Avec quatre des sept gouverneurs malgaches acquis à sa cause, il avait consolidé les barrages autour de la capitale Antananarivo, asphyxiant toute la région. Depuis, les altercations entre les deux camps ont tourné aux altercations armées… Et à l'impasse. Dans ce contexte, le président Abdoulaye Wade a tenté plusieurs fois d'amener les deux rivaux en terre sénégalaise. «Dakar II», nouvelle plate-forme de pourparlers, a finalement pu commencer dans la soirée de samedi avec des entretiens séparés entre Didier Ratsiraka, puis Marc Ravalomanana, et les différents médiateurs. Le nombre de ces derniers illustre d'ailleurs à quel point la situation tant politique qu'économique sur l'île inquiète. Les présidents Omar Bongo du Gabon, Laurent Gbagbo de la Côte d'Ivoire, Denis Sassou Nguesso du Congo et Blaise Compaoré du Burkina Faso, ont ainsi fait le déplacement, de même que le secrétaire général de l'Organisation de l'Unité Africaine, Amara Essy, et le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU à Dakar, Ibrahima Fall. Les discussions continuaient encore dimanche, mais l'espoir d'un règlement du conflit reste très minime. Au vu des premières déclarations du dirigeant Wade, les points de vue des deux Malgaches semblent en effet «diamétralement opposés». Marc Ravalomanana a même estimé que «la seule chose qui reste possible est de discuter sur le départ de M. Ratsiraka». «Nous avons reçu une délégation française et une délégation américaine, puis entendu successivement MM. Ratsiraka et Ravalomanana», a expliqué le président sénégalais. «Nous leur avons demandé ce qu'ils proposent pour sortir de la crise», a-t-il ajouté dimanche matin tout en précisant qu'il n'y avait pas encore eu entre les deux hommes de «confrontation». Le médiateur Wade tout comme les autres «facilitateurs» pensent d'ailleurs que cette crise ne pourra être résolue qu'avec l'intervention de l'organe central de l'OUA. Cette affaire de pouvoir, qualifiée de «très compliquée et très délicate» par le président sénégalais, n'en finit en tout cas plus de diviser les Malgaches et de paralyser l'économie de l'île qui figure déjà parmi les pays les plus pauvres au monde. La paix devient une urgence.