La réforme du marché boursier marocain devait être accompagnée parallèlement par le développement du capital-risque, souligne Adnane Chmanti, de BMCE Capital. Entretien. ALM : La baisse s'installe à la bourse de Casablanca. Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour relancer le marché ? Adnane Chmanti : Il n y a pas de solution-miracle à adopter. Un marché ne se prête nullement au jeu de cause à effet ! C'est un travail de longue haleine. À mon avis, la relance du marché est tributaire d'une série de mesures réformatrices qu'il est utile de scinder en deux catégories : Des mesures à court-terme qui consistent à cibler une nouvelle clientèle additionnelle autre que celle des patrimoniaux traditionnels. Les pertes engrangées par cette catégorie d'investisseurs sur les trois dernières années sont effectivement élevées, réduisant les chances d'un regain de leur confiance dans le marché. La nouvelle cible de clientèle est, à mon sens, celle des particuliers, qu'il conviendra d'attirer moyennant des produits innovants. Je pense notamment au PEA (plan d'épargne en actions), aux produits d'assurance vie dont il faut réformer les textes réglementaires en faveur d'un placement en actions et aux SICAV de distribution. S'agissant des mesures à long-terme, ils ont trait au développement de l'offre. Il me paraît évident que l'amélioration de l'offre ne peut se faire qu'à travers l'essor du capital-risque, qui constitue actuellement un outil efficace et incontournable d'accompagnement des PME-PMI de notre tissu économique. Les opérations de capital-risque, dont la finalité est un désengagement moyennant un prix de sortie, peuvent ainsi déboucher sur des introductions en bourse, qui permettent de le faire au meilleur prix. Il serait opportun de réfléchir à la création d'une commission technique composée d'experts nationaux et internationaux, qui aura pour mission d'élaborer un état des lieux du marché boursier marocain et de détecter les forces et faiblesses du système. Elle sera également appelée à consulter les différents intervenants sur le marché. Afin de trouver les instruments nécessaires qui permettront au marché de jouer, de manière pérenne, son rôle de financement de l'économie nationale. Faut-il acheter maintenant des actions en bourse ? Après plus de trois ans de baisse ininterrompue, la bourse de Casablanca présente aujourd'hui, des niveaux de valorisation attractifs. En effet, le PER 02E du marché s'établit à 10,6 au 05 juin contre 21,1 en 1998. Le rendement du dividende 02E se monte, quant à lui, à 4,5% comparé à 2,1% à fin 1998. Il apparaît donc que les P/E et les D/Y sont attrayants pour plus de la moitié des valeurs inscrites à la cote, mais le principe de sélectivité reste de mise. Ainsi de nombreux secteurs bénéficieront en 2002, de l'amélioration du cadre macro-économique –progression prévisionnelle du PIB de plus de 5% en 2002, poursuite des grands travaux d'infrastructure de base….. -, tandis que d'autres verront leur profitabilité grevée par des contraintes réglementaires ou prudentielles. Les secteurs, devant pleinement profiter de cette relance, sont les industries agroalimentaires et les industries des matériaux de construction. Les premiers profiteront de l'amélioration du pouvoir d'achat du monde rural, suite à une campagne agricole favorable. Les seconds bénéficieront de la poursuite des programmes de construction de logements sociaux. Cette amélioration devrait largement profiter aux holdings industriels ainsi qu'à la plupart des petites capitalisations. À contrario, la profitabilité du secteur bancaire devra être freinée par une politique prudente d'octroi de crédits, une baisse de la marge d'intermédiation suite à l'intensification de la concurrence, et le lancement de vastes chantiers de restructuration. Celle-ci devra à moyen-terme avoir un effet positif sur la solidité et les résultats des établissements bancaires. Parallèlement, le secteur du crédit à la consommation sera confronté à l'impact des baisses successives du TEG (taux effectif global) et à une nouvelle réglementation relative à la classification et au provisionnement des créances en souffrance. Le secteur du leasing, pour sa part, portera une attention particulière à la gestion des risques qu'il encourt, en resserrant les procédures d'octroi de crédit et en maintenant un effort de provisionnement soutenu. Par ailleurs, la conjoncture économique internationale défavorable devra influer sur les secteurs miniers et pétroliers, en pesant sur les produits raffinés et sur les cours des métaux de base. En revanche, les métaux précieux devront pleinement tirer profit de cette tendance et poursuivre leur trend haussier. Ce sont en effet des produits de placement refuges. Est-ce le moment opportun de s'introduire en bourse ? L'opportunité de s'introduire en bourse reste inconditionnellement évidente. Les avantages d'une telle opération stratégique ne sont plus à prouver. Il faut savoir que la crise actuelle est partiellement nourrie par le manque de papier neuf qui lui-même perdure en raison de cette crise : c'est un cercle vicieux. Dans le contexte de marasme actuel, il est clair qu'une opération d'introduction en bourse ne profite pleinement qu'aux entreprises dont les perspectives sont fortement encourageantes. Fondamentalement, la réussite d'une opération d'introduction en bourse est conditionnée par un certain nombre de paramètres dont les performances financières et commerciales de la société, sa capacité à honorer ses engagements, sa politique de communication et son degré d'innovation, etc.