Paris. François Besse, 57 ans, ancien compagnon de Jacques Mesrine et roi de l'évasion, comparaît depuis mardi devant la cour d'assises de paris pour six affaires (braquages et évasion) qui remontent au milieu des années 1970. Il encourt la réclusion à perpétuité. La photo est quelque peu défraîchie. Car, François Besse, ancienne figure du grand banditisme des années 70 porte aujourd'hui, à 57 ans, cheveux et barbe blancs taillés courts. Longuement questionné mardi dernier dans le cadre de l'interrogatoire de personnalité, il a évoqué son chemin en délinquance, sa «fuite en avant» dans la criminalité. aujourd'hui. «Petit François», ainsi surnommé en raison de sa petite taille, jette un regard négatif sur son passé. «Je me suis trompé», assure-t-il. «Quand on est ignorant de la vie, on prend des décisions qui ne sont pas les bonnes». Et c'est à de l'archéologie judiciaire que vont se livrer tout au long des quinze jours d'audience les jurés de la Cour d'assises. Mais il faut d'abord rappeler que celui qui fut le lieutenant de Mesrine, «l'ennemi public numéro un» abattu par la police en 1979, a été arrêté en novembre1994 au Maroc, à Tanger plus précisément, dans un petit bistro, le «Gagarine» derrière la grande poste et aujourd'hui fermé. Une arrestation qui avait valu des éloges à la police marocaine, car le roi de l'évasion, objet de nombreux mandats d'arrêt internationaux, était particulièrement insaisissable. Et même s'il voulait se faire oublier au Maroc, il projetait quelques «coups» entre Tanger, Tétouan et Sebta. Actuellement, François Besse purge une condamnation à 15 ans de réclusion criminelle prononcée en 1975. Puis il devra purger sa condamnation à huit ans que lui a infligée en 1998 la cour d'assises de la Charente. En 2019, il est libérable et peut bénéficier d'une liberté conditionnelle en 2009. De ses relations avec Jacques Mesrine, l'ennemi public numéro un des années 70, François Besse livre peu de choses. «L'administration (pénitentiaire) nous a réunis. Nous étions tous deux dans les QHS (Quartiers de haute sécurité). Moi, je voulais partir. Lui voulait partir. Notre point commun était là». «L'évasion de la Santé ne se serait pas réalisée sans sa personnalité», concède-t-il à propos de leur «belle», le 8 mai 1978. «Petit François» n'en dira pas plus sur «le grand Jacques». Sur les QHS, où il a passé près de neuf ans sur les dix-huit vécus en prison, il estime, amer, que «rien n'a changé». «En 2002, je suis dans la même cellule au quartier d'isolement» qu'au milieu des années 70. «L'isolement total est certainement fait pour des raisons de sécurité. Le résultat, c'est une destruction, une élimination». Les jurés vont se pencher sur le braquage, en mars 1976, de la Société Financière pour la France et l'Etranger (SFFE), qui lui a valu sa condamnation à mort par contumace. Puis ils examineront son évasion de la maison d'arrêt de la Santé à paris en compagnie de Jacques Mesrine le 8 mai 1978 et l'attaque à main armée, huit jours plus tard, d'une armurerie à paris. Enfin ils traiteront de deux autres braquages, toujours en compagnie de Jacques Mesrine : celui du casino de Deauville le 26 mai, où deux personnes furent blessées, et celui d'une agence bancaire le 30 juin 1978. Pour ces quatre affaires, «Petit François» a été condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité. Comme le prévoit la loi, il est donc rejugé. Il lui est également reproché à d'avoir participé à l'évasion, à l'aide d'un hélicoptère d'un gangster, André Bellaïche, de la prison de Rome en novembre 1986, des faits qu'il nie. François Besse, donc, a été interpellé en novembre 1994 au Maroc, où il s'était fait oublier depuis sa dernière évasion 11 ans plus tôt d'une prison espagnole. L'homme, qui s'était fait passer pour mort ces années-là, est revenu en France fin 1993, dans sa région natale des Charentes pour que sa femme, Marie-Ange, accouche de leur fille. Mais, au cours de ce premier trimestre 1994, deux attaques à main armée, dont une manquée, sont commises dans la région. A Angoulême, dans un appartement, les policiers trouvent les empreintes de «Petit François». Ecoutes, filatures de ses proches : il est repéré au Maroc, où la police marocaine lui met le grappin dessus. En 1998, il est condamné à huit ans d'emprisonnement pour le braquage d'Angoulême. Le roi de la cavale est né en juillet 1944 à Cognac, dans les Charentes. Peu doué pour les études, il quitte l'école à 15 ans et entre dans la vie active comme apprenti-électricien. Renvoyé un an plus tard, il va vivre chez sa sœur à Strasbourg. Petits larcins, première condamnation, puis service militaire de novembre 1964 à mai 1967. Revenu à Cognac, il s'essaye quelques mois au métier de chauffeur. Puis direction bordeaux où, en mars 1971, il est condamné pour la première fois à sept ans d'emprisonnement pour un cambriolage. Il s'évade deux mois plus tard. Repris en février 1974, il ne reste que six mois en prison et une journée dehors avant d'être repris. Mais sa révolte a pris en février 1970, au commissariat de bordeaux où il est interrogé sur les activités délictuelles d'un de ses camarades d'enfance qu'il héberge. Son récit, livré mardi, est celui d'une véritable séance de torture : nu, un bandeau sur les yeux, les mains attachées dans le dos, une serviette dans la bouche que l'on arrose d'eau. Son camarade qui a subi le même traitement le désigne comme son complice. En 1971, il sera condamné à sept ans d'emprisonnement. «A ce moment-là, j'ai décidé de ne pas rester en prison», souffle-t-il. «Aujourd'hui, avec l'aide de la raison, je n'en veux plus à ceux qui m'ont fait ça». C'est fin 1977, à la prison de Fresnes, qu'il fera la connaissance de Jacques Mesrine, futur «ennemi public numéro un», avec qui il s'évade à nouveau de la prison de la Santé, en mai 1978. Mercredi, au second jour de son procès, François Besse a raconté son évasion de la prison de la santé du 8 mai 1978, unique dans les annales judiciaires, réussie en compagnie de Mesrine. L'accusé a retracé minute par minute, avec une jubilation évidente, comment lui et Jacques Mesrine avaient réussi à mystifier tous les gardiens en prenant d'abord le contrôle d'un quartier de haute sécurité (QHS), la «prison dans la prison», puis en empruntant des tenues de surveillants et en franchissant deux murs d'enceinte. «Il fallait être dans un état d'esprit déterminé pour maîtriser tout le personnel sans véritable violence. Je me suis appuyé sur la personnalité de Jacques Mesrine, déterminante. Il avait préparé lui-même psychologiquement tous les acteurs. Nous ne voulions pas être éliminés», a-t-il expliqué. Il n'a pas voulu révéler qui leur avait fourni les armes, les bombes lacrymogènes et les outils utilisés pour mener à bien l'opération, mais a parlé de «complicité intérieures». «Elles étaient motivées par le fait qu'il y avait une pression médiatique contre les QHS. Mesrine comptait alors seize avocats. En 1979, après ses braquages avec Mesrine, il se réfugie en Belgique. Interpellé en mars 1979, il s'évadera trois mois plus tard. Sa dernière évasion, celle d'une prison espagnole, remonte à 1983. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.