Treize années se sont écoulées depuis l'historique discours royal d'Ajdir et trois années sur l'officialisation de l'amazigh dans la Constitution du 1er juillet 2011. Deux pas majeurs qui ambitionnent de conférer à l'amazighité une reconnaissance dans la politique linguistique, culturelle et médiatique du pays, levant ainsi la marginalisation dans laquelle cette culture était injustement maintenue et lui ouvrant de nouvelles perspectives d'affirmation et de renouveau. Connue pour être, avant tout, une culture orale, cette composante de la culture nationale a adopté les modes modernes de diffusion, grâce notamment au dynamisme du mouvement associatif amazigh qui a commencé a voir le jour à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Le rayonnement de l'expression culturelle amazighe avait débuté par la poésie et la musique pour s'étendre par la suite à d'autres genres artistiques qui ont montré et démontré au monde entier la richesse de cette culture. Malgré ces pas accomplis dans la reconnaissance de l'amazigh, il y a encore du chemin à faire pour redonner à cette culture la place qu'elle mérite dans la société marocaine. Le discours royal d'Ajdir du mercredi 17 octobre 2001, annonçant la création de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), restera à jamais gravé dans la mémoire du peuple marocain tout entier. «Nous voulons aussi affirmer que l'amazighité qui plonge ses racines au plus profond de l'histoire du peuple marocain appartient à tous les Marocains, sans exclusive, et qu'elle ne peut être mise au service de desseins politiques de quelque nature que ce soit. Le Maroc s'est distingué, à travers les âges, par la cohésion de ses habitants, quels qu'en soient les origines et les dialectes. Ils ont toujours fait preuve d'un ferme attachement à leurs valeurs sacrées et résisté à toute invasion étrangère ou tentative de division», avait souligné le Souverain dans ce discours à Khénifra. «Dans la mesure où l'amazigh constitue un élément principal de la culture nationale, et un patrimoine culturel dont la présence est manifestée dans toutes les expressions de l'histoire et de la civilisation marocaine, nous accordons une sollicitude toute particulière à sa promotion dans le cadre de la mise en œuvre de notre projet de société démocratique et moderniste, fondée sur la consolidation de la valorisation de la personnalité marocaine et de ses symboles linguistiques, culturels et civilisationnels. La promotion de l'amazigh est une responsabilité nationale, car aucune culture nationale ne peut renier ses racines historiques. Elle se doit, en outre, de s'ouvrir et de récuser tout cloisonnement, afin qu'elle puisse réaliser le développement indispensable à la pérennité et au progrès de toute civilisation», a ajouté SM le Roi MohammedVI. La nouvelle Constitution est venue consacrer la pluralité des affluents qui ont forgé l'histoire et façonné l'identité du Royaume. Dans la Loi fondamentale du 1er juillet 20011, l'amazigh constitue une langue officielle de l'Etat, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception. Une avancée constitutionnelle qui a malheureusement du mal à se traduire sur le terrain. L'enseignement de l'amazigh dans les établissements publics a commencé à se faire une place dans le système éducatif national depuis l'année scolaire 2003-2004. Mais sans résultats probants. Après une décennie, 12% seulement des élèves du primaire sont touchés par l'enseignement de l'amazigh. L'horaire alloué à cette langue dans l'ensemble des cycles du primaire ne dépasse pas 612 heures, soit 3 heures par semaine. Ce qui est largement inférieur aux 2.500 heures qui sont un minimum pour maîtriser une langue nationale et officielle, selon des chercheurs à l'IRCAM. Ainsi, pas moins de 6 heures par semaine devraient être allouées à l'enseignement de la langue amazighe si l'on veut respecter ces normes et traiter l'amazigh comme une langue officielle. Dans la Constitution, l'article 5 prévoit une loi organique définissant le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue, ainsi que les modalités de son intégration dans l'enseignement et aux domaines prioritaires de la vie publique, et ce afin de lui permettre de remplir à terme sa fonction de langue officielle. Il prévoit également la création d'un Conseil national des langues et de la culture marocaine. Ce Conseil regroupe l'ensemble des institutions concernées par ces domaines. Une loi organique en détermine les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement. Actuellement, l'élaboration de la loi organique relative à la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe se trouve au cœur du débat. Des universitaires et des acteurs de la société civile prenant part récemment à un séminaire, initié par l'IRCAM à l'occasion de la commémoration du troisième anniversaire de l'officialisation de l'amazigh dans la Constitution du 1er juillet 2011, ont souligné la nécessité d'associer les experts juridiques et les acteurs politiques et de la société civile au processus d'élaboration du projet de cette loi organique. Sauvegarder, promouvoir et renforcer la place de cette culture dans l'espace éducatif, socioculturel et médiatique national donnera une nouvelle impulsion à l'amazigh en tant que richesse nationale et source de fierté pour tous les Marocains.