Le jeu de séduction électorale entrepris par les partis politiques auprès des étudiants algériens continue de prouver son inefficacité. Pire, il ne fait qu'amplifier la colère de cette jeunesse. Il avait entrepris le 18 mai dernier de se rendre dans plusieurs facultés d'Alger. Le président Bouteflika avait alors fini par provoquer un tollé de protestations chez les étudiants de l'Université de Bouzaréah. Slogans hostiles, jets de pierres, détériorations de véhicules du cortège présidentiel. Le message était clair : les étudiants ne sont pas dupes. Déjà la veille, à l'université de Djelfa, des jeunes avaient provoqué des incendies tandis que d'autres manifestent chaque jour depuis mi-mars en Kabylie. Le milieu étudiant est en effet loin d'être épargné, il subit au contraire de plein fouet la situation socio-économique du pays. Ces jeunes désespèrent aussi de voir un jour la réforme de leur système universitaire se concrétiser. A défaut d'alimenter les programmes électoraux, comme c'est le cas aujourd'hui, au moment où les principaux intéressés ne sont même pas sûrs de voir leur année d'études en cours validée. Samedi dernier, ces jeunes ont peut-être été un peu trop loin dans le jeu démocratique, puisque chahuter le chef d'Etat leur a coûté par moins d'une vingtaine d'arrestations. Ils ont été mis en examen pour « tteinte à l'emblème national» et «flagrant délit d'attaque du cortège présidentiel», selon les journaux algériens de mardi. Ce qui n'a pas empêché leurs pairs d'intervenir au beau milieu d'un meeting du chef de gouvernement et leader du Front de Libération nationale, lundi à Boumerdès. «Benflis hué par des étudiants» titrait ainsi le Matin algérois avant de rapporter les propos de ces jeunes. «Pouvoir assassin ! Pouvoir assassin !» ont alors crié quelque trente étudiants de la ville. «N'étant pas nombreux, (ils) ont été évacués brutalement de la salle par les organisateurs chargés de la sécurité et conduits à l'extérieur» a continué le quotidien à qui les jeunes ont expliqué qu'ils étaient venus «pour exprimer (leur) refus de ce discours populiste en vue d'une mascarade électorale. Comment peut-on appeler à une réconciliation en pratiquant l'exclusion d'une partie du peuple ?». A l'issue du meeting, Ali Benflis a pour sa part déclaré que celui-ci était «le meilleur» qu'il ait fait «jusqu'à présent». «On n'aurait pas dû les faire sortir, ils auraient dû rester car je ne perds pas espoir qu'ils rejoignent un jour le FLN !» a-t-il ajouté. Ahmed Ouyahia, leader de l'autre grand parti en lice - le Rassemblement National Démocratique -, tenait au même moment un meeting à Aïn Bénian. S'exprimant sur le front anti-vote, il a minimisé les difficultés de faire campagne en Kabylie toujours en proie aux émeutes et où 18 candidats se sont déjà retirés de la course. «La campagne est certes perturbée par quelques jeunes manipulés par des partis qui ne le sont plus depuis qu'un mouvement, les Aârouch, les guide (…)», a expliqué l'actuel ministre de la justice. «La salle l'écoutait-elle ? Plus d'une fois, Ouyahia a supplié l'assistance de se taire» a rapporté le Matin. Et d'ajouter «Ce sont quelques jeunes du FFS qui tentent de perturber le meeting, nous lance M. Chihab de la direction de ce parti». Ces étudiants ont, en tout cas, une nouvelle fois, renvoyé les élus à leurs beaux discours en attendant de voir leur vie s'améliorer un jour.