A trois jours des législatives, Abdelaziz Bouteflika a fait une ultime opération de charme. Il a annoncé la grâce des étudiants condamnés la veille à de lourdes peines. Pendant ce temps, la Kabylie accentue son rejet des élections. A trois jours des législatives, Abdelaziz Bouteflika s'est adressé lundi aux Algérois en accusant ceux qui ont appelé au boycott des élections législatives du 30 mai d'être à «la solde d'une puissance étrangère». Au dernier jour de la campagne électorale, le président algérien a fait une tournée à Alger où il a effectué plusieurs inaugurations. Selon le quotidien «Le Matin», le chef de l'Etat algérien « fait dans la politique qui lui sied avec plus ou moins de bonheur : la politique spectacle avec effet d'annonce ». Il a annoncé la grâce avec effet immédiat pour les étudiants de l'université de Bouzaréah qui l'ont chahuté lors de sa visite sur les lieux le 18 mai dernier. Des journalistes de la presse appellent leur rédaction pour le « scoop ». Peine perdue, l'information a fait déjà le tour du monde. L'agence de presse officielle, APS, l'a balancée. Tout en affichant une certaine conviction que les Algériens voteront jeudi, il s'en est pris aux «hommes politiques » qui appellent les citoyens à ne pas voter. «Qu'ont-ils fait pour les Algériens ces gens-là ?», dit-il, affirmant qu'ils sont « manipulés», sans pour autant donner de précisions. Il lève toutefois un pan du voile qui laisse presque deviner le nom de ce pays : la France. Il fait cas des journalistes de l'Hexagone venus en Algérie pour couvrir «les élections législatives en Kabylie». « L'Algérie est vaste », dit-il avant d'oser une comparaison. Il a assimilé l'Algérie à une maison et la Kabylie à une «chambre à coucher». «Si ces journalistes sont venus pour voir ma chambre à coucher, ma réponse est celle-ci : niet. Mais si c'est pour voir l'Algérie, ils sont les bienvenus.» M. Bouteflika qui affirme avoir compris que la France ne souhaite pas que les Algériens votent, et que ses journalistes cherchent à ternir l'image du pays tout comme les partisans du boycott demandent aux Algériens de regarder désormais ces derniers autrement car ils sont incapables de «reconnaître à autrui le droit d'avoir une opinion autre». Pendant ce temps, en Kabylie, à quarante huit heures du scrutin, rejeté dans toutes ses formes par les populations en colère, le suspense bat son plein à travers la wilaya de Béjaïa, et les révoltés s'organisent massivement pour réussir l'empêchement de ce qu'ils qualifient de «tragédie nationale. Les âarchs (tribus), fer de lance de la contestation en Kabylie (est d'Alger), opposés aux élections législatives du 30 mai, ont mis leur menace à exécution depuis dimanche, fermant des mairies et brûlant des urnes, rapportent mardi des journaux. Les Âarchs, qui ont rejeté ces élections pour protester contre la situation en Kabylie où des émeutes, sporadiques depuis plus d'un an, ont fait plus d'une centaine de morts, avaient menacé d'empêcher ce scrutin, y compris par la force. Une quinzaine de daïras (sous-préfectures) et une cinquantaine de mairies ont été assiégées dimanche et lundi par des manifestants, obligeant les fonctionnaires à fuir et à fermer les locaux. Dans la région de Tizi-Ouzou (grande Kabylie, 110 km à l'est d'Alger), des manifestants, en majorité des jeunes en colère, ont brûlé des urnes et des documents à Beni Douala, d'où la contestation est partie le 18 avril 2001 lorsqu'un lycéen avait été tué dans les locaux de la gendarmerie. A Béjaïa (petite Kabylie, 260 km à l'est d'Alger), des urnes contenant les suffrages des agents de la Protection Civile qui ont voté lundi, ont été brûlées par des manifestants à Akbou, tandis que des mairies ont été assiégées à Sidi Aïch, Akfadou et Tinebdar. Dans cette région, les Âarchs ont appelé à une grève générale de trois jours à partir de mardi et au blocage des routes, notamment la route nationale 12 reliant Béjaïa à Alger. A Bouira, troisième ville de Kabylie (120 km au sud-est d'Alger), une grève et des manifestations sont prévues jeudi, jour du scrutin. En outre, une manifestation organisée lundi par le Front des forces socialistes (FFS) à Tizi- Ouzou et Béjaïa a été interdite par les autorités et donné lieu à des heurts entre manifestants et forces de sécurité.