Le ministère de la santé est finalement allé au bout de son projet de réduire les prix d'une nouvelle série de médicaments. Une polémique animée par les pharmaciens d'officine et par les fabricants autour de cette mesure avait fait craindre la possibilité que – fidèle en cela au style de gestion des cabinets Benkirane- le département de Lhoussaine Louardi ne fasse machine arrière. Il n'en a rien été puisque le décret est passé en conseil de gouvernement vendredi. Le document répertorié sous le numéro 852-13-2 et qui fixe les conditions et les modalités de fixation des prix des médicaments, qu'ils soient fabriqués localement ou importés, vise, selon le ministère de la communication, tout autant à faciliter l'accès des citoyens au médicament qu' à promouvoir une industrie pharmaceutique qui répond à leurs besoins. La même source ajoute que cette nouvelle décision de baisse prend appui sur plusieurs travaux d'analyse dont une étude du Conseil de la concurrence qui a conclu à l'existence de dysfonctionnements sur le plan de la détermination des prix des médicaments et un rapport rédigé par une commission parlementaire en 2009. Ce dernier document avait conclu au fait que les médicaments sont anormalement chers au Maroc et que cette situation fait obstacle à l'accès aux soins du grand nombre. C'est donc au nom du principe de la santé pour tous que le ministère a passé outre aux réserves des professionnels du médicament pour décider cette nouvelle baisse des prix. Elle concerne 800 produits qui viennent s'ajouter aux 320 de l'année dernière, ce qui fait un total de 1.120 médicaments. Selon le ministère de la santé, les rabais – les décotes- qui touchent ces 800 médicaments varient de 50 à 60%. Mais, ajoute une source proche du ministère, outre que des centaines de médicaments d'un usage courant vaudront moitié moins cher, certains parmi les plus coûteux entrent également dans cette catégorie. La même source ajoute qu'outre «la facilitation de l'accès aux soins, c'est la transparence qui est visée». Et c'est si bien le cas, estime-t-elle, que la liste des médicaments objets de la baisse sera publiée au Bulletin officiel (B.O) et qu'une campagne de sensibilisation sera engagée pour en informer le public des nouvelles baisses. Bien que les «attendus» du décret n'en fassent pas mention, un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a également clairement établi que le monde du médicament n'est pas ce qu'il doit être. Le rapport du Conseil note, en effet, que parce qu'en dépit du fait que les biens médicaux représentent 32% des dépenses totales de santé, le niveau de consommation des médicaments reste faible comparativement à d'autres pays puisqu'il n'est que de 524 dirhams dans l'année. L'une des principales causes de cette situation est le prix du médicament et aussi, les marges bénéficiaires qui se succèdent tout au long du processus de distribution. En effet l'arrêté n°465-69 du 18 septembre 1969 qui détermine les modalités de fixation des prix des médicaments fabriqués localement n'a jamais été réactualisé ni révisé. De surcroît, l'arrêté n°2365-93 qui fixe les prix des médicaments importés «est lui aussi inadapté et a contribué à faire en sorte que certains médicaments coûtent beaucoup plus cher au Maroc que dans des pays européens, et que la part des médicaments importés ne cesse d'augmenter par rapport à ceux fabriqués au Maroc». Sur cette situation de marché particulièrement bancale se greffent des pratiques qui font que les marges de distribution du médicament s'établissent à 30% du Prix Public Maroc (PPM) pour le pharmacien et à 7% pour le grossiste répartiteur. Ce qui fait dire au CESE que «la marge de distribution représente donc in fine 37% du prix PPM qui correspond à 58,7% du prix à la sortie du laboratoire». Mais alors, le générique est-il la solution ou à tout le moins une partie de la solution ? A peine répond le CESE. Car si le passage du princeps aux équivalents génériques plus abordables représente, en moyenne, une réduction de la dépense de 60%, avec une qualité et une efficacité équivalentes, le taux de pénétration du générique n'est actuellement que de 34% en officine et de 42% au regard de la consommation totale. Ce qui reste faible. Cependant, l'extension de l'usage du générique demeure une composante non négligeable de la solution. L'autre étant une refonte du système de détermination du prix. Car au Maroc, si la marge est fixe, la plupart des pays ont institué un système dégressif qui fait que plus le prix du médicament est élevé, plus la marge de distribution (en proportion) est réduite. Le rapport est clair sur ce point : les marges fixes constituent une prime aux médicaments chers et n'incitent pas le pharmacien à délivrer le médicament le moins coûteux.. Au total, estiment les experts du CESE, le secteur du médicament souffre de la capacité insuffisante du ministère de la santé à élaborer des textes législatifs et réglementaires et à les appliquer. En France, à titre de comparaison, le code de la santé publique évolue de manière régulière pour s'adapter aux évolutions et aux contraintes rencontrées