ALM : Les pays de l'UMA plaident aujourd'hui pour une intégration énergétique. Quelle est la faisabilité d'un tel projet ? Abdelkader Aâmara : L'intégration maghrébine ne pose pas de problème. Nous disposons de tous les outils nécessaires que cela soit dans le marché électrique ou énergétique. Nous sommes actuellement à 1.200 mégawatts d'interconnexion avec l'Algérie. Le Royaume est également sur un grand projet d'interconnexion avec la Mauritanie. Technologiquement, je dirais que c'est faisable d'avoir une intégration énergétique dans la région. Si on se met d'accord à l'échelle politique, cela serait aisément réalisable. N'oublions pas que cette intégration revêt plusieurs avantages. Elle permettrait d'optimiser les coûts, d'injecter davantage d'énergies renouvelables dans le réseau et aussi de puiser dans de nouveaux gisements. Qu'en est-il de la création d'une industrie énergétique commune ? C'est un corollaire très important. Si nous ne sommes pas capables de fabriquer des composantes aussi bien pour le solaire que pour l'éolien via un tissu industriel structuré on sera systématiquement pris en otage à l'international. Nous nous réunissons aujourd'hui pour étudier la possibilité d'intégrer industriellement un certain nombre de domaines qui sont très évolutifs et qui nous permettraient d'assurer un bon transfert technologique. Je citerais dans ce sens le concept de la compensation industrielle que nous sommes en train d'expérimenter. Je citerais également la colocalisation industrielle que nous avons parfaitement réussie dans le secteur de l'automobile et l'aéronautique. Le Maroc a un savoir-faire et une grande expertise. Il est même en avance par rapport à certains pays. Grâce à cette intégration on aura une économie d'échelle très importante et un soubassement industriel intéressant. Quelle serait la proportion du Maroc dans ce sens ? C'est prématuré à dire, mais il est clair que le Maroc, de par son savoir-faire et son expertise, jouerait un rôle prépondérant. Or, ce qui nous intéresse le plus c'est de trouver des deals gagnant-gagnant. Il faut aussi noter que nous ne partageons pas les mêmes paradigmes avec les autres pays maghrébins. Le Maroc a une capacité de production de 7.000 Mégawatts. Notre demande s'élève à 6%. De même, notre vision pour l'avenir en ce qui concerne le charbon, le gaz naturel et les énergies renouvelables est bien définie. Nos ambitions sont grandes. Nous sommes intéressés par une interconnexion avec l'Europe. De même, nos yeux sont rivés sur l'Afrique subsaharienne qui connaîtra un développement énergétique de l'ordre de 5 à 6 %. Grâce à cette intégration, on pourrait augmenter davantage le volume qui transite via l'interconnexion avec l'Algérie. On pourrait même utiliser les 9 milliards de mètres cubes de gaz naturel qui passe par l'Algérie. De notre part, on pourrait produire de l'électricité qui va être injectée dans les réseaux maghrébins, compte tenu de l'efficacité de nos parcs éoliens. Toutes ces configurations sont possibles, il suffit juste d'avoir de bons compromis avec les pays voisins. Comment peut-on définir le concept du mix énergétique qui est devenu récurrent ces derniers temps ? Tout d'abord, il est important de comprendre le mix électrique. Donc, pour produire un kilowattheure d'électricité, il faudra injecter un certain nombre d'électrons qui proviennent de plusieurs sources. La source la plus importante qui existe sur la chaîne internationale est les fossiles (pétrole, gaz, charbon, etc.). Le Maroc est en train de faire, intelligemment, une transition graduelle pour que ce mix puisse être plus réaliste, et ce en associant l'énergie fossile et renouvelable. Ceci dit, il ne faut pas croire que nous nous orientons vers les énergies renouvelables d'une manière puritaine. Au contraire. Tant que les énergies fossiles sont intéressantes, nous allons les utiliser. Notre mix est donc un bouquet optimisé. Conscient de notre potentiel énergétique, nous n'allons pas faire cavalier seul. Nous ne nous lancerons pas dans de mégaprojets, en l'absence d'une intégration au sein du Mena. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où on payera seuls la recherche scientifique à l'international. Cela n'a pas de sens. Quels sont les plans stratégiques prévus par le ministère au titre de l'année 2014 ? Une panoplie de projets figure dans notre agenda dont le gaz naturel, l'ouverture de la moyenne tension pour les énergies renouvelables ainsi que la basse tension pour l'usage de la photovoltaïque. Cette dernière est une aubaine pour le Maroc. Je pense que sur les 7.000 mégawatts dont nous disposons on pourrait facilement aller jusqu'à 1.500 mégawatts de photovoltaïques. Cet usage nous permettra de soulager la facture des ménages qui consommeront la photovoltaïque produite par eux. Il va par ailleurs soulager les équilibres macroéconomiques de l'ONHYM. La photovoltaïque permettra également à notre pays de profiter d'un gisement inépuisable et de réduire à la fois ses émissions de gaz et sa dépendance aux énergies fossiles. D'autre part, nous travaillons sur la régulation. Le Maroc s'oriente vers la libéralisation de son marché électrique et énergétique, donc nous avons besoin d'un régulateur tout comme le secteur des télécoms pour assurer le suivi et la veille des chantiers mis en œuvre.